Le test d’intelligence, une mode qui va s’amplifiant
On fait faire beaucoup de tests aux enfants pour évaluer leurs capacités. Nous allons vous expliquer dans cet article pourquoi il faut les éviter et en quoi cette mode peut être déplorable.
Déjà, les tests sont souvent partiels et donc on passe souvent à côté de tas de choses. Les tests de QI par exemple ne prennent en compte que la logique mathématique, la capacité visuelle (formes et couleurs), la mémoire et du vocabulaire (autrement dit une capacité linguistique).
Non pas que les tests de QI soient sans aucun intérêt. Chez le jeune adulte, ils peuvent servir, éventuellement, avec toutes les réserves que cela comporte:
- Un test de QI ne détecte que certaines formes d’intelligence. Il ne verra pas l’oreille musicale, une capacité à commander, une capacité à apporter la paix etc. Il y a de très grandes intelligences ou de très grandes capacités qui seront mal notées à un test de QI.
- Il ne sert que pour ses objectifs spécifiques (et non à définir un individu).
Howard Gardner a beaucoup travaillé sur les intelligences multiples. On peut en tirer le graphisme suivant (cliquez pour agrandir puis revenez en arrière pour poursuivre):
Gardner distingue les champs suivants des facultés: visuel, linguistique, logique, kinétique, interpersonnel, intrapersonnel, musical, naturaliste. On pourrait y ajouter l’intelligence émotionnelle qui échappe aux catégories précédentes: l’émotion peut surgir dans tous les champs.
Test d’intelligence ou test… d’intelligence multiple
Intéressant, ce que dit Gardner. Mais nous restons sur notre faim.
« Comme souvent, lors des nouvelles découvertes, les intelligences multiples ont été présentées comme exclusives : on était bon soit en mathématiques soit en langues. En réalité, nous sommes tous plus ou moins bons dans les différentes formes d’intelligences et on peut parler de formes dominantes chez chacun de nous. »
Il est évident que le parent aura tendance à voir chez son enfant une ou deux facultés dominantes, alors que toutes les facultés existent chez l’enfant, à des degrés divers.
Faisons une parenthèse pratique en disant que nous savons, sur ce site, que le développement de chacune de ces facultés dépendra de pratiques et de fréquentations : on devient ce qu’on fait et souvent, on fait ce qu’on aime.
C’est d’ailleurs dans ce qu’on aime que réside ce qu’on appelle l’inné: on est davantage poussé vers quelque chose qu’on se met à maîtriser progressivement. Les autres parlent alors de don. C’est un penchant qui a conduit à une fréquentation et une pratique. On n’a aucun enfant doué pour le dessin qui n’ait pratiqué.
Autres tests: le TDAH, l’hyperactivité
Les tests dans ces domaines partent sur des bases fausses. Nous en parlons par ailleurs. On ne peut donc tenir compte de leurs résultats, nécessairement faussés. Ils servent surtout à enrichir des professionnels.
Revenons maintenant au plus important.
Le manque essentiel
Howard Gardner lui-même, qui a distingué les diverses intelligences, ne prend pas en compte l’intelligence métaphysique, qui englobe l’intelligence philosophique et les autres.
Prenons une image: le spécialiste, qui cherche des facultés chez votre enfant, est comme le commentateur du match de foot qui évalue la performance des joueurs et leur capacité à mettre des buts. L’enfant métaphysique (c’est-à-dire au départ tous les enfants) se demandera: « Pourquoi ces gens courent-ils après un ballon, quel est ce rite ? Il y a deux camps, pourquoi pas trois ? Pourquoi pas un seul ? »
La métaphysique est cette qualité première de donner un sens qui relie les choses et les explique, ou les cherche. C’est le regard au-dessus des choses et qui les explique. C’est la quête de sens.
On ne trouve strictement jamais de tests métaphysiques, qui seraient beaucoup plus intéressants que les tests habituels car ils révéleraient une dimension bien plus vaste de l’enfant. Il existe un test de Voight-Kampf qui explore un peu cela mais qui ne donne que des interprétations sociales, comportementales, psychiques. On est encore très loin de ce qu’il faudrait. Il est certain que cela fait peur aux professionnels, qui ne sont pas eux-mêmes toujours capables de métaphysique. Notez bien ceci: le professionnel ne va tester que ce qu’il connaît, voilà pourquoi la société met tant de temps à déceler les capacités exceptionnelles. L’enfant parfois lui demande pourquoi il doit faire ces tests et le professionnel donne une raison spécieuse: il faut qu’on sache quelles sont tes facultés. Et il ajoute, bienveillant, que l’enfant ne sera pas jugé par ces tests. Mais il omet l’essentiel: ces tests ne testent rien d’important, ou peu de choses, à côté de ce que porte l’enfant. L’enfant est beaucoup plus grand que les tests. Alors que, remarquez-le, on soumet l’enfant aux tests. En lui expliquant qu’on recherche telle ou telle faculté de l’enfant, on attire son attention sur une chose spécifique, « en bas » de son être, en aval de ses plus hautes dimensions: on le fait descendre de la sphère métaphysique à la sphère contingente, rationnelle ou même matérialiste.
C’est là un crime contre l’intelligence, en réalité, si on y songe. L’univers peuplé de basses considérations fait des gens de basses considérations.
Le professionnel ne teste que ce qu’il connaît
De là, vous comprenez bien que ce qui échappe au regard du professionnel ne l’intéresse pas, c’est rejeté. L’enfant est incompris.
De véritables tests devraient donc impliquer que la société accepte que l’enfant soit autre chose qu’une machine évoluée, qui touche, entend, voit et goûte, raisonne, aime et ressent. C’est beaucoup plus que ça !
L’être humain est actuellement analysé selon des outils très limités.
Gardner le montre très bien: il élargit énormément le spectre de recherche mais reste lui-même dans un monde cartésien, philosophiquement et métaphysiquement presque vide. On a des facultés mais on n’a aucun sens. On a une fillette douée en dessin. Très bien. Quelques années plus tard, la faculté a disparu. Tant pis. On prend les informations sans leur donner de sens. On est en fait dans la technique psychologique. Comme le commentateur parle du poids du joueur de foot ou de sa blessure au ménisque. Combien d’entraîneurs n’obtiennent aucun résultat, parce qu’ils ne font qu’additionner des techniques ? De même, le chef d’orchestre qui fait travailler telle virtuosité, sans se demander quelle intention première va porter l’œuvre interprétée, est-il dans la performance facile, propre, et sans intérêt. On peut ainsi très bien ressentir une émotion puissante en écoutant un concert de 1935 alors qu’on s’ennuie avec le Dolby digital d’un orchestre impeccable d’aujourd’hui. C’est glacé. On dit que c’est « sans âme ». On peut prendre aussi l’image de la maison techniquement parfaite, la maison d’architecte bio… sans âme, qui ne donne rien à ressentir. La vieille ferme de votre aïeule vous fait bien plus d’effet, vous vous y sentez bien.
De même avec l’enfant: on peut tester ses facultés, et même les travailler, mais s’il n’y a pas de sens profond, d’âme, c’est perte de temps, stress et dépenses inutiles.
Quel est le sens de telle faculté, qu’est-ce que cela manifeste, voilà la question supérieure qui élèvera le regard, et l’enfant.
La métaphysique est la première véritable intelligence du petit enfant
La métaphysique est la première véritable intelligence, celle du petit enfant.
Vous avez des enfants qui ont une intelligence métaphysique sublime, qui se retrouvent plaqués au sol, ridiculisés, par des tests qui ne prennent en compte que leurs capacités cognitives basiques. Un test de QI peut très bien donner une note basse à un génie, en réalité.
Les croyants le savent très bien, qui considèrent que le Christ est là, dans l’enfant : va-t-on l’évaluer ? Non, bien sûr. On voit donc très bien que l’important n’est pas d’évaluer les capacités de l’enfant, mais de faire en sorte que l’enfant puisse les manifester, et cela porte une obligation: donner un sens, une perspective et de l’action. Chez le jeune adulte, une vocation. Toutes sortes de choses combattues, interdites par la société psychanalytique et psychiatrique du monde de l’éducation.
Car nous mettons formellement en accusation ce monde de spécialistes, ce monde de l’éducation. Les tests sur l’enfant actuels, limités, n’ont de raison d’être que lorsqu’on cherche à corriger d’éventuelles carences physiques (ouïe, vision…); il est dangereux et même illégitime de rechercher des carences cognitives alors qu’on n’a pas fourni à l’enfant une pratique et une fréquentation du savoir mis en cause. C’est à l’école, aux parents, de faire en sorte que l’enfant fasse ses apprentissages, et là se situe 99% du problème. Mais surtout, les tests devraient, dans un avenir inconnu, rechercher les moyens supplémentaires de l’expression, du déploiement de l’enfant.
- Voir aussi La métaphysique de l’enfant