L'école à la maison est une question épineuse en Suisse.
Philosophie générale et droit actuel
Le Tribunal fédéral a affirmé que les parents d'enfants en âge scolaire n'ont pas un droit constitutionnel à leur dispenser des cours privés à domicile. Il se trompe évidemment. Déjà, le Tribunal ne parle ici que de l'instruction publique, et non de l'instruction privée, droit fondamental que la Suisse reconnaît en signant la plupart des textes internationaux (voir à ce sujet La loi). Par ailleurs, ses allégations sont remarquablement mises à bas dans cette vidéo:
La question de constitutionnalité, l'affaire suisse, un exemple à ne pas suivre
https://vimeo.com/540530134
Le tribunal fédéral rejette donc le recours d'une mère, en se trompant (sciemment ?) en affirmant d'une part que le droit ne figure pas dans les texte de la CEDH, et nous répondons que le droit de respirer non plus, et que cela est une évidence puisque tout ce qui n'est pas dans la loi ou le texte est réputé autorisé. Or, il valide le droit des cantons à prévoir des règles très restrictives, voire des interdictions, ce qui contrevient justement à deux choses: la liberté fondamentale, évidemment, mais aussi au pouvoir des cantons à édicter des lois. Que les cantons aient un droit régalien au regard de l'instruction publique, c'est évident. Qu'ils en aient au regard de l'instruction privée, c'est un dérapage et une injure à la Constitution. Qu'ils puissent produire de la loi, c'est une infraction constitutionnelle.
Nous saluons au passage les juges fédéraux qui nous lisent avec crainte... Messieurs, vous vous êtes trompés. Soit vous le faites exprès pour satisfaire vos maîtres européens, soit vous ignorez le droit.
Rappel : En 2017, une mère avait adressé aux autorités scolaires de Bâle-Ville une demande d'enseignement privé à domicile ("homeschooling") pour son fils âgé de 8 ans. Sa requête a été rejetée, de même que son recours auprès du Tribunal administratif cantonal.
Conclusion: faites-le sans demander l'autorisation. Et rappelez-vous que cette cour n'a pas le pouvoir suprême. On attendra que ce jugement soit cassé.
Localement: on a l'impression que la loi varie...
La législation semble varier selon les cantons. Certains disent l'autoriser après une déclaration (cantons du Jura, Neuchâtel, Vaud), d'autres après "autorisation" (cantons d'Appenzell Rhodes-Extérieures, Fribourg, Genève, Tessin, Valais), ou pas du tout.
On verra ci-dessous que cette autorisation est une pure fiction.
Les familles doivent le plus souvent, comme en "France", se plier généralement aux contrôles d'inspecteurs scolaires habilités à vérifier que l'instruction obligatoire est effectivement assurée.
Les leaders ? Bâle et Berne ou Vaud. Cependant, Neuchâtel qui était encore parmi les bons éléments de la classe est en train de songer à faire le cancre à son tour.
Dans les deux premiers cantons, un simple formulaire pour l’autorisation, un contrôle annuel au domicile et l’obligation de participation aux épreuves cantonales facilitent ce choix. A Neuchâtel, la liberté est semble-t-il en passe de passer à la poubelle: il faudrait que l'un des parents soit enseignant. C'est anticonstitutionnel. Et comme si le fait d'être enseignant assurait la qualité de l'enseignement, tandis que la réalité est exactement le contraire (les études montrent un meilleur niveau des enfants instruits par leurs parents, et non par les enseignants, qui en France par exemple, illettrisent industriellement près de 50% des enfants avant l'entrée en 6ème). Ecole à la maison en Suisse
Dans l'ensemble, donc, la Suisse suit le mouvement autoritaire en limitant cette liberté fondamentale.
Reste à savoir si les textes de lois sont compatibles avec la Constitution suisse: exiger que l'un des deux parents soit enseignant est une aberration loufoque. On n'impose pas aux politiques d'être juristes, que l'on sache. La preuve, d'ailleurs.
Une maman réagit et hop, plus de souci:
Dans le canton de Genève, la loi sur l’instruction publique (LIP-C1 10), Art. 9, dit : « Principe : Tous les enfants habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de la présente loi et au programme général établi par le département ».
Attention, ne pas confondre lois et décrets
La loi suisse est en fait comme les autres lois: univoque. Ce sont des sous-textes qui sont confus.
Quand vous lisez par exemple dans tel Loi" locale suisse :
"1Les parents ont le droit de dispenser ou de faire dispenser à leurs enfants un enseignement à domicile.
2 L’enseignement à domicile est soumis à une autorisation de la Direction."
vous savez que vous avez affaire à un trucage. Car s'il y a droit, il n'y a pas de demande d'autorisation, sinon ce n'est pas un droit.
Quelque chose cloche. Et en effet, vous constatez que ce texte est une "loi" de portée locale, autrement dit l'équivalent d'une décision régionale qui ne peut en aucun cas contredire les dispositions nationales ou constitutionnelles.
Le libellé "L’enseignement à domicile est soumis à une autorisation de la Direction" est fallacieux, il faut écrire: "L’enseignement à domicile est enregistré par la Direction, dans la mesure où les parents remplissent les exigences de salubrité morale et s'engagent à instruire l'enfant, ce qui se vérifie lors de l'entretien prévu."
Voilà ce qu'il eut fallu écrire. Mais comme les politiques régionaux sont illettrés, ils ne sont pas capables de voir que cette rencontre avec le Directeur n'est pas pour "accorder une autorisation" dont il n'a pas le pouvoir (à moins que la Suisse soit une monarchie...) mais de confirmer la validité de la demande de la famille.
De même vous aurez:
Art. 2 Dérogation à l’âge d’entrée (art. 6 al. 2 LS)1 Les parents peuvent adresser par écrit, jusqu’au 30 mars, une demande à l’inspecteur ou à l’inspectrice scolaire afin de reporter l’âge d’entrée de leur enfant à l’école.
ROF 2016_06122 L’inspecteur ou l’inspectrice scolaire s’entretient avec les parents avant d’accorder par écrit la dérogation, dont une copie est adressée au ou à la responsable d’établissement et à la commune de domicile ou de résidence habituelle de l’enfant
Donc l'inspecteur entend les parents et leur donne quittance, s'ils ne paraissent pas refuser le droit à l'instruction de l'enfant ou le maltraite: il y est OBLIGE.
FRIBOURG ROF 2014_0683Art. 5 Scolarité obligatoire a) Principe1 Les parents ont le droit et l’obligation d’envoyer leurs enfants en âge de scolarité obligatoire dans une école publique ou privée ou de leur dispenser un enseignement à domicile.
En fait, on a la même chose qu'en France, formulé autrement.
La parade
Pour l'instant, la meilleure parade quand on veut faire l'école à la maison en Suisse consiste à faire faire un certificat médical (plusieurs cas efficients dans le Valais) et de suivre nos conseils pas à pas (dans l'accompagnement). Il n'y a pas eu de grave souci jusqu'ici pour la Suisse.
Ecole à la maison en Suisse
1400 enfants en Suisse
Encore peu de parents instruisent eux-mêmes leur enfant, s'évitant les tracas de l'établissement scolaire, les déplacements, le cycle "instituteur-médecin scolaire-orthophonistes" devenu si banal.
Ecole à la maison en Suisse: des changements à venir ?
Il est vrai que pour beaucoup, la fonction de gardiennage de l’école compte. Mais si l’instauration d’un chèque scolaire devait avoir lieu et permettait de faire face aux coûts de la scolarité, les familles pourraient accepter plus massivement de dispenser elles-mêmes l’instruction à leur(s) enfant(s). Cela donne à réfléchir aux Suisses.
Dès lors que l'école ne sert plus de creuset social, n'assure plus à elle seule une mission formatrice essentielle qui permette à chacun d’évoluer dans la société. qu'elle ne joue plus ce rôle ou que le niveau est exécrable, ou que la sécurité n'est plus assurée, ou qu'elle manifeste une trop forte tendance à vouloir faire entrer l'enfant dans le moule, en un mot dès lors qu'elle n'aura plus le regard juste sur l'enfant, les parents s'éloignent.
Car l'enfant prime sur l'école.
Une maman confie: "Pour avoir scolarisé mes enfants à domicile jusqu'à 8 ans, je peux vous dire qu'ils étaient en avance sur le programme scolaire exigé, et que je ne passais qu'une à deux heures par jour pour leur apprendre à lire, écrire et compter. Le reste du temps se passait en activités familiales diverses. Ils avaient des amis, et se sont intégrés sans problèmes lorsqu'il a fallu les mettre à l'école publique. Ils ont appris à la maison avec plaisir, à leur rythme, sans stress, sans notes, sans jugements, sans racket... Je le referais si c'était à refaire."
Des parents mécontents de l'école: https://www.swissinfo.ch/fre/societe/Lecole_a_la_maison?cid=7393296
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Extraits de loi
RSJU 410.11, loi sur l’école obligatoire, art. 6, alinéa 2
Les parents ont le droit et l'obligation d’envoyer leur enfant en âge de scolarité obligatoire dans une école publique. Demeure réservé le droit des parents de donner ou de faire donner un enseignement privé, conformément à la législation sur l’enseignement privé.
RSJU 410.111, ordonnance scolaire, art. 8
Les parents qui entendent donner ou faire donner à leur enfant un enseignement privé, conformément à la législation sur l'enseignement privé, communiquent leur décision par écrit au directeur ou, à défaut, à la commission d'école, à l'intention du conseiller pédagogique.
RSJU 417.1, loi sur l’enseignement privé, art. 9
1Les parents ou les représentants légaux qui entendent donner eux-mêmes, ou faire donner un enseignement privé aux enfants en âge de scolarité obligatoire, en avisent, par écrit, la commission d’école du degré concerné du lieu habituel de résidence de l’enfant. Cet avis indique les personnes chargées de l’enseignement et les mesures prises pour assurer à l’enfant un enseignement correspondant aux exigences générales des plans d’études. L’avis doit être renouvelé au début de chaque année et lors de chaque changement de lieu de résidence de l’enfant.
2La commission d’école annonce sans délai au Service de l’enseignement les enfants suivant un enseignement privé. Pour les enfants en âge de fréquenter la 6ème année, la commission de l’école primaire informe également la commission de l’école secondaire.
3Les conseillers pédagogiques procèdent à un contrôle régulier de l’enseignement en milieu privé.
4Si l’enseignement se révèle insuffisant, le Département met en demeure les parents ou les représentants légaux de prendre les mesures appropriées. Si l’enseignement reste insuffisant après mise en demeure, le Département ordonne le placement de l’enfant dans une classe de l’école publique.
RSJU 417.11, ordonnance portant exécution de la loi sur l’enseignement privé
Art. 20
1Les parents qui entendent donner ou faire donner à leur enfant un enseignement en milieu privé communiquent leur décision par écrit à la commission de l'école du cercle scolaire. Les personnes chargées de l'enseignement doivent disposer des compétences et du matériel nécessaires permettant d'offrir un niveau d'éducation et d'instruction propre à atteindre les buts assignés à l'école, conformément à l'article 3 de la loi scolaire). Les parents fournissent les attestations nécessaires à cet effet.
2La commission d'école transmet sans délai le dossier au Service de l'enseignement. Celui-ci peut requérir tout complément d'information nécessaire.
3Le Département interdit l'enseignement en milieu privé qui ne satisfait pas aux exigences requises. En présence de lacunes de moindre importance, il peut fixer un délai pour remédier à celles-ci, sous peine d'interdiction en cas de non-respect.
Art. 21
1Le Service de l'enseignement vérifie au moins une fois par année, aux frais des parents, si le niveau d'instruction et d'éducation satisfait aux exigences requises. Si tel n'est pas le cas, il en informe le Département qui procède conformément à l'article 20, alinéa 3.
2Lorsque le développement de l'enfant paraît menacé, le Service de l'enseignement informe en outre l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte.
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