On va maintenant mettre en pratique notre chère pratique !
Et nous allons voir qu’elle se heurte à notre conception de la « qualité ».
Vous vous souvenez que nous vous avons dit que 5mn de qualité avec l’enfant valaient mieux qu’une heure sans qualité.
Mais à présent, nous vous disons: la qualité vraiment estimable ne viendra que via la pratique, qui est la quantité !
En effet, si vous ne savez pas y faire, la qualité que vous donnerez sera faible.
Je vous rapporte une parabole – une histoire, racontée par Eric Mueller :
Un jour, lors d’un cours de poterie, le professeur entra dans l’atelier et annonça aux élèves : « Tous ceux qui sont assis à ma droite formeront un groupe. » « Je vous confierai 15 kg d’argile. » « Votre mission sera de façonner autant de vases uniques que possible. Votre objectif est donc la quantité. » Puis le professeur se tourna vers l’autre moitié de la classe. « Tous ceux qui sont assis à ma gauche formeront un deuxième groupe. » « Je vous confierai aussi 15 kg d’argile. » « Votre mission sera de façonner un vase, qui soit le plus beau et le plus parfait possible. Votre objectif est donc la qualité. » « Je vous laisse 6 mois pour réaliser ce projet. » Après 6 mois, le professeur vint inspecter les vases créés. Les élèves du groupe qualité avaient disposé leur « vase parfait » sur un guéridon. Les élèves du groupe quantité avaient disposé leurs nombreux vases sur une immense bibliothèque. Sur le rayonnage du bas se trouvaient leurs créations du premier mois – maladroites, difformes, et peu nombreuses. Sur les rayonnages à hauteur de la ceinture, se trouvaient des vases plus récents. Ils étaient plus remplis que les rayonnages du bas. De mois en mois, les élèves étaient capables de produire de plus en plus de vases – leur savoir-faire avait progressé. Mais de façon surprenante, ces vases plus récents étaient également plus harmonieux et réussis. Sur le rayonnage du haut se trouvaient leurs créations les plus récentes. Le rayonnage était plein à craquer, tant ils avaient produit de vases durant le dernier mois. Le professeur monta sur une échelle, saisit l’un des vases les plus récents, et le plaça sur le guéridon, à côté du « vase parfait » du groupe qualité. Toute la classe fut ébahie tant le contraste était fort : Le « vase parfait » était sans conteste moins beau, moins harmonieux et moins réussi que le vase récent du groupe quantité. Le professeur demanda aux élèves du groupe quantité : « Avez-vous abandonné votre objectif de quantité pour faire de la qualité ? » Les élèves répondirent : « Non, non, nous n’avons pas changé de méthode, ni d’objectif. Mais, nous avons remarqué que nous avons augmenté notre capacité de production de mois en mois. » Les élèves ajoutèrent : « Mais, Professeur, comment est-il possible que nous ayons produit un chef-d’œuvre sans le vouloir ? » Le professeur répondit, avec un sourire entendu : « En continuant d’aller de l’avant, sans être arrêtés par les erreurs, vous avez parfait votre art, au point de créer un chef-d’œuvre. » « À présent appliquez cette méthode dans vos vies. Allez de l’avant avec enthousiasme. Ne restez pas bloqué sur vos erreurs. N’ayez crainte de vous tromper. N’espérez pas produire quelque chose de parfait du premier coup. »
Nous l’avons esquissé la dernière fois, rappelons le but ultime de toute pratique: le Don. Le Don de soi, le Don de sa vie, le Don de ses qualités. On apprend pour mieux donner. Délivrer au monde ses compétences. Si vous voulez apprendre, c’est pour mieux donner de vous-même au monde, en cette vie. Si vous voulez donner, il faut apprendre à le faire. Donner comme ça, sans savoir, c’est donner à demi, timidement, c’est donner peu. Pour donner pleinement, il faut apprendre.
Mettre en pratique, c’est favoriser le Don
Et le Don exige qu’il n’y ait pas « fusion » avec l’enfant ou l’apprenant. C’est de la communion qu’il faut.
Mais pas avec n’importe qui ni tout le temps. Soyez pudique.
Donc, d’abord, sortons de la fusion. En créant une distance et en sortant de la fausse « fusion », on va favoriser le Don.
- Voir aussi L’amour fusionnel, le piège
Il faut accepter la distance qui permet le Don, qui lui-même permet d’élever. Si le rapprochement est excessif, s’il n’y a plus une juste distance, il y a une perte de mobilité et de liberté. Cela semble paradoxal, c’est pourtant vraiment pédagogique. L’omniprésence, la proximité excessive ou le rêve idéologique de fusion avec l’élève lui ôtent sa liberté. Nous en avons parlé déjà.
Il y a des pédagogies bonzaï, et ce sont souvent les pédagogies inspirées par une envie de bien faire. L’image que nous utilisons souvent, ce sont ces mamans qui font les devoirs avec leurs enfants et qui se collent sur leur dos, la tête au-dessus de l’épaule, pour leur faire écrire les bonnes réponses. Il n’y a pas beaucoup de moyens plus sûrs pour étouffer l’enfant et taire sa fécondité naturelle. Donnons de l’espace, reprenons distance. Du respect, et même du silence.
Il y a aussi ce fait que lorsque vous êtes en situation de dépendance, vous êtes conformé pour recevoir. Vous voyez le danger: vous recevez, vous en prenez l’habitude, vous devenez dépendant. C’est tout le secret des idéologies.
La distance juste, au contraire, rétablit une indépendance et, plus encore, un besoin de l’autre et donc un désir de don. Une fois de plus, on voit comment[s2If current_user_cannot(access_s2member_level1)] la société détruit le don, acte ultime, en faisant du social où la promiscuité et l’individualisme dissout tout. Et on imagine aussi plus aisément que les sociétés qui avaient un quant-à-soi (dont vous aurez une image assez exacte en regardant les films autrichiens de la série Sissi) étaient aussi beaucoup plus généreuses. L’égoïsme est lié à une promiscuité, une grégarité.
Les exercices sont la pratique, ils sont plus importants que la théorie
On oublie la théorie, on n’oublie pas la pratique. Ce n’est pas grave de se tromper en théorie, si on sait la pratique. A terme, on ne peut pas se tromper en pratique, on peut hésiter mais la pratique vous conduit inéluctablement vers plus de maîtrise.
Ainsi, c’est beaucoup plus facile de faire la centième dictée de sa vie que la première.
Les exercices sont l’application, la pratique. La pratique est pour nous ce qui est de loin le plus important. Si vous observez (…) la suite est réservée aux membres accompagnés, pour activer votre accès membre, passez par ici. Déjà membre accompagné ? Connectez-vous dans le menu du site (en cas de souci, voir la FAQ) [/s2If] [s2If current_user_can(access_s2member_level1)] la société détruit le don, acte ultime, en faisant du social où la promiscuité et l’individualisme dissout tout. Et on imagine aussi plus aisément que les sociétés qui avaient un quant-à-soi (dont vous aurez une image assez exacte en regardant les films autrichiens de la série Sissi) étaient aussi beaucoup plus généreuses. L’égoïsme est lié à une promiscuité, une grégarité.
Les exercices sont la pratique, ils sont plus importants que la théorie
On oublie la théorie, on n’oublie pas la pratique. Ce n’est pas grave de se tromper en théorie, si on sait la pratique. A terme, on ne peut pas se tromper en pratique, on peut hésiter mais la pratique vous conduit inéluctablement vers plus de maîtrise.
Ainsi, c’est beaucoup plus facile de faire la centième dictée de sa vie que la première.
Les exercices sont l’application, la pratique. La pratique est pour nous ce qui est de loin le plus important. Si vous observez la manière dont les choses se passent en Occident et en Orient, vous trouverez une différence nette, elle concerne la manière dont la théorie et la pratique sont envisagées. L’Occident s’est engouffré il y a longtemps sur une erreur qui est à l’origine de la quasi-totalité de ses problèmes. Je l’ai développé dans un autre ouvrage, c’est l’erreur, née en Grèce, avec Aristote de la séparation du corps et de l’esprit. Par rapport à l’Egypte dont tout venait, c’était la grande cassure. La catastrophe, mère des suivantes. La guerre mondiale, c’est la cassure grecque !
Mais nous vous expliquons la chose comme nous la voyons, cela va permettre de distinguer l’importance vitale de l’exercice pratique.
Si vous vous mettez à apprendre le chinois en commençant par l’analyse grammaticale, vous pataugerez, vous n’y comprendrez rien. C’est ce qu’on fait aux Langues Orientales.
Pour commencer, ce qu’il faut, c’est parler et écouter. C’est comme ça que les petits Chinois apprennent, c’est comme ça que nous avons tous appris notre langue maternelle. C’est préparer le cerveau, l’acclimater, lui rendre familière la fréquentation de la langue.
Nous avons abordé la grammaire bien plus tard, et cela nous a permis deux choses : comprendre mieux ce que nous disions et découvrir que la langue recèle des modes d’expressions plus pratiques, plus simples, ou plus subtils, ou plus riches, ou plus directs que nous ne le pensions.
Mais tout cela nous l’avons compris parce que, déjà, nous maîtrisions des notions du langage. Pour un enfant, cela vient 10 ans après le début de l’apprentissage ; comment se fait-il donc qu’il y ait encore des universités où l’on fait faire de la grammaire dès le départ ?
C’est parce que l’école d’enseignement général et l’université commettent cette erreur de base: elles sont dans l’inductif et non le déductif.Pour le dire plus simplement, elles demandent à l’enfant de comprendre avant de pratiquer. C’est une erreur. Les filières de l’enseignement professionnel font le contraire: elles font du déductif: l’enfant comprend ce qu’il a fait, il a l’explication après. Voilà la bonne méthode.
Alors, changez de méthode, faites du déductif et non de l’inductif: exercez d’abord avant d’expliquer. L’explication est plus facile après.
Mettre en pratique résout des centaines d’heures d’explication
Lorsque nous avons appris à conduire, nous n’avons pas commencé par lire un livre sur la théorie de la conduite mais nous nous sommes assis devant un volant. Rappelez-vous: quand vous voyez des films avec des courses-poursuites, étant enfant, vous trouviez facile, vous mimiez les gestes en jouant. Mais rappelez-vous maintenant le premier jour où vous avez dû vraiment conduire. Comme nous tous, vous avez tremblé à l’idée de faire bouger la voiture d’un mètre ! Le cerveau a beau comprendre, il ne sait rien du tout tant que le corps n’a pas ingéré. Et aujourd’hui, vous conduisez avec la même facilité que vous le pensiez étant enfant ! Votre cerveau, à l’époque, a analysé en quelques instants et a « compris ». Restait à l’ingérer.
Lorsque j’ai commencé à apprendre le karaté, mon maître ne m’a pas parlé de respect des traditions, de la voix du zen ou de la maîtrise de l’espace autour de moi, il m’a appris à me tenir debout, à saluer, à m’asseoir, puis à faire un premier pas.
Il est hors de question pour moi, encore aujourd’hui, de livrer de grands secrets à des débutants.
C’est pourquoi je fulmine quand j’assiste à des cours où le prof fait des discours à des petits enfants sur l’art du karaté en leur parlant de choses qu’ils ne peuvent absolument pas comprendre. Cela dégoûte. C’est la grammaire du karaté, c’est pénible et impossible à mettre en œuvre tant qu’on n’a pas au moins 10 ans de pratique derrière soi.
J’ai répété mon premier pas 300 fois le premier soir. Un simple pas. C’est plus tard que j’ai compris théoriquement quelle science il fallait développer pour accomplir un bon pas au karaté. Avoir un bon Ki, cela passe par savoir le dessiner avec un pinceau. En dessinant Ki des dizaines de fois, on comprend comment faire un pas au karaté parce que pour bien le dessiner, on doit avoir un bon placement du ventre, du centre de gravité, et un bon souffle. Ecrire au Japon exige une maîtrise de soi. Rien ne se fait « à la légère », ou par-dessus la jambe. Finalement, on retrouve là le mot « voie » et le mot moderne « art », qui ont des points communs.
La maîtrise, c’est la pratique.
Dans l’un de mes romans, je fais dire à l’un de mes personnages japonais, ancien officier putschiste de février 36 : « La pratique est la voie. La voie n’est guère autre chose que la pratique. »
En fait, tout ce que nous faisons devrait se réapproprier le secret de la vie, l’ingérer.
Mes premières notions de théorie au karaté n’ont été abordées que des mois après mon inscription, et de manière bien parcimonieuse, à l’appui d’une bonne dose de pratique.
L’Orient, qui commence sur les berges de la Méditerranée, explique beaucoup par paraboles, c’est-à-dire que l’idée suit un récit, elle l’explique, révèle son sens. C’est dans ce sens qu’il faut enseigner, et non dans l’autre. Le cerveau passe par le symbole pour aller au sens manifesté.
Mettons-nous à la place de l’enfant en nous inscrivant, tenez, dans un club où se pratique un sport qui nous est inconnu. Imaginez un instant qu’on calque la méthodologie la plus fréquemment employée dans les universités françaises et dans les écoles de France à ce club de sport. On commencera par parler d’anticipation, de souffle, de timing, et de toutes sortes de choses pendant une heure et quart. Ensuite, on se laisse un quart d’heure pour mettre en pratique. Après ça, emmenez vos élèves en compétition. Que croyez-vous qu’il se passera ? Ils seront complètement handicapés. Ainsi défaits, ils culpabiliseront si vous arrivez à les convaincre, si vous avez un talent de bobardeur, que « les autres y arrivent », que « normalement ça ne pose pas de problème. »
Eh ! bien, voyez-vous, c’est ce que fait l’école.
Non. Si un enfant a une difficulté pour apprendre, c’est la faute de l’enseignant, non la sienne. Changez de méthode. Tous les enfants peuvent arriver à d’excellents résultats, rappelez-vous.
Il est probable que les instituteurs qui se font un plaisir de développer des choses savantes et compliquées à l’école alors que la base n’est même pas sue, se retrouveraient critiques au dernier degré dans un tel club de sport, où la pratique serait si peu mise en œuvre.
Analysez ce qui s’écrit dans les académies sur les programmes scolaires: ce sont là œuvres de gens qui ne fréquentent pas l’enfant et l’ignorent.
Vous pensez que nous exagérons ? Mais calculez le temps consacré à la théorie dans le système éducatif français. Aux Langues orientales, on avait une heure par semaine de pratique. Une heure de pratique et une vingtaine d’heures de théorie. Qui croit sérieusement qu’un étudiant de Langues orientales parlera couramment la langue étudiée après trois ans d’étude ? Vous vous demandez pourquoi les Français sont considérés comme passables en langues étrangères ? Ce n’est pas à cause de leurs facultés mentales, c’est uniquement en rapport de la méthode employée.
Ce que nous disons là en langues vaut pour tout le reste, et jusqu’à la politique ou le journalisme. Pas de maîtrise parce que pas de méthode.
En fait, de tels clubs de sport n’existent pratiquement pas parce que les licenciés exigent spontanément de pratiquer ! Le bon sens prévaut.
Et côté cerveau ?
Dans le domaine physique, on sait très bien comment fonctionne l’être humain. Mais dans le domaine intellectuel, notre système éducatif ne veut pratiquement rien savoir. Il serait temps de consulter les neurologues. Dans les grandes lignes, le cerveau fonctionne comme le corps. Ce qu’on fait en travaillant la pratique, c’est qu’on relie toutes les zones cérébrales qui chacune manifestent une part de l’homme. On les met au diapason. On repart de l’être réel.
Ce n’est pas pour rien qu’on commence traditionnellement par raconter des histoires simples, des légendes et des contes aux enfants, c’est parce qu’ils ne comprennent pas spontanément ce que veulent dire les mots honnêteté, courage, don de soi, ruse, tous ces mots abstraits; ces mots ont besoin d’être illustrés. Et la plus belle illustration est forcément un symbole. Le symbole est une image qui agit en vous. Donc, les grands récits portent des symboles, et non des historiettes à 50€ le kg.
Eh bien, ça ne dérange apparemment pas tous les instituteurs de proposer de la poésie humoristique pour adultes à des enfants de cinq ans. Comment voulez-vous qu’ils apprécient ? C’est impossible. Je me souviens d’une poésie de ce genre à cette petite école communale où nous avions mis quelques temps nos enfants, l’institutrice était très fière, il s’agissait d’un texte de Bobby Lapointe. Lapointe écrivait pour les adultes, il fallait évidemment lire entre les lignes, son texte renvoyait à des idées reçues, à des associations d’idées qu’aucun enfant de moins de 18 ans ne pouvait avoir.
Cette manière de faire est tout simplement snob, avant d’être débile : les instituteurs veulent montrer leur savoir d’une part, ils veulent se faire plaisir d’autre part, pendant ce temps ils ne se préoccupent pas de savoir si l’enfant comprend tous ces sous-entendus, l’ironie, l’humour et ces évidences cachées d’adultes. En fait, l’enfant n’importe pas. Il faut dire que ce n’est pas l’enfant qui va décider des avantages en prime ni des dates de vacances fixées par le rectorat. L’enfant n’est pas vraiment utile à l’enseignant…
Je me vengeais gentiment de cette histoire de Lapointe servie à ma fille de 5 ans : à cette institutrice, je fis une blague en anglais que les parents anglais présents ce jour-là apprécièrent. Mais mon institutrice, si elle comprit la lettre, ne comprit pas du tout l’esprit de la blague. Devant son désarroi, mi-figue mi-raisin, je lui dis : « Cette blague a sur vous le même effet que votre poème sur les enfants. » Je n’étais qu’un parent d’élève, pour elle je n’y entendais rien.
Si, pour les enseignants, il faut vouloir élever des enfants à leur hauteur, il faut d’abord avoir l’humilité de descendre à leur niveau. Comme le Seigneur a fait avec nous. Aller les chercher là où ils sont. Les enfants ne peuvent atteindre le sommet dès le départ. Ni les adultes. On atteint le sommet de la montagne en commençant par le petit chemin qui court en bas au milieu des arbres. Comment se fait-il qu’on soit obligé de proférer de telles évidences ?
Le cardinal Radcliffe fait cette remarque très juste que lorsque quelqu’un nous demande sa direction dans la rue, on ne commence pas par lui dire qu’il part du mauvais endroit : on lui explique son chemin en partant d’où il se trouve. C’est l’évidence. Une évidence que le système scolaire n’a pas encore saisie.
Plus personne n’ignore ce que le système éducatif français reconnaît officiellement : il tient à détruire les « présupposés », les « a priori » pour bâtir une « société nouvelle ». Cette vieille envie de faire table rase date de la Révolution d’Octobre 1917, reprenant elle-même les principes de la Révolution française, on voit que l’on n’est pas très en avance dans le domaine de l’éducation…
Pour en arriver à comprendre l’humour des adultes, quand bien même ce serait nécessaire (ce dont on peut douter pour des enfants), il faut comprendre le vocabulaire, le sens caché des mots et des phrases et enfin maîtriser les associations d’idées induites. Cela demande des années, de la lecture, des conversations nombreuses etc.
C’est le moment de conseiller aux parents de cesser d’utiliser l’ironie avec les enfants. Soyez « premier degré », soyez simples, innocents, ayez un humour innocent.
Arrêtons de mettre la charrue devant les bœufs. Arrêtons les réformes stériles inspirées par un génial technocrate préoccupé de nouveautés, et donc de complexité, alors qu’il faut de la simplicité, une progression aisée, de la facilité, autrement dit une pratique.
Tout le problème de l’Occident est là : il théorise avant de pratiquer. L’homme occidental, depuis l’effondrement de son monde transcendantal, c’est-à-dire à l’orée du 18ème siècle, se prend pour un dieu, il pense qu’il peut refaire tout seul un ordre naturel. C’est le mythe de l’apprenti-sorcier. C’est le Golem de la tradition hébraïque, sorte de super-héros. C’est presque un dieu. Une grosse part du cinéma yankee en est imprégnée. A contrario, le cinéma français préfère le non-être, le sous-homme, et produit une éternelle jérémiade car il n’a pas le talent: il se sait en-dessous de sa tâche de sur-homme. Il y a l’un dans l’autre une schizophrénie.
Depuis l’aube des temps, le paysan sait que s’il plante mal et au mauvais moment, ou s’il taille mal et au mauvais moment, ou s’il récolte mal et au mauvais moment, il sera ruiné, il n’y aura pas de récolte. C’est simple, « carré » comme on dit maintenant.
L’enseignant lui, ne voit pas nécessairement le résultat de ses méthodes. Il peut ainsi demeurer dans l’erreur pendant des années. Et si certains de ses élèves se retrouvent en difficulté, il pourra toujours se laisser convaincre que c’est la faute de la société, des politiques ou de la famille. Demandez aux instituteurs pourquoi les enfants échouent : combien vont vous dire qu’ils utilisent la mauvaise méthode ? Très peu.
La pédagogie moderne entend changer les choses depuis 40 ans. On voit le résultat. En éducation comme ailleurs, c’est aux fruits qu’il faut juger.
Jadis, en Occident, comme en Orient, les ordres ou castes dans lesquels se transmettait le savoir commençaient toujours pas enseigner le travail des métiers aux disciples. Au bout de plusieurs années bien longues, parfois après 20 ans, le disciple ou le moine était autorisé à lire le livre sacré, Torah ou Evangile ou Livre des morts, qu’on ne pouvait approcher avant longtemps. Les Indiens d’Amérique enseignaient de la même façon. Les Africains de même. Toutes les sociétés traditionnelles qui ont eu une sagesse à enseigner l’ont fait de manière lente, au fur et à mesure du développement de la personne.
C’est également ainsi que cela se passait au Tibet avant l’invasion chinoise et c’est ainsi que cela se passait en Égypte antique. Je n’ai pas entendu dire que les brahmanes hindous aient non plus jamais commencé par former leurs disciples par des cours théoriques. C’est également ainsi que les Indiens d’Amérique enseignaient la Voie du Guerrier: en-dehors de toute projection abstraite.
Mais regardez notre enseignement, qui fait modèle pour le monde entier : de la théorie, encore de la théorie. Des idées, de l’abstraction, mais détaché du réel. On s’étonne que des énarques soient détachés des réalités, ce n’est pas tout à fait leur faute, on ne les y a jamais confrontés. Rome envoyait ses jeunes proconsuls commander dans les provinces lointaines, ils en revenaient avec une connaissance forte, ils y trouvaient une formation très dure, les vétérans les aguerrissaient. Ils pratiquaient sur le terrain. Rome a tenu 1200 ans, malgré tous ses défauts, uniquement grâce aux hommes de métiers.
On s’étonne que des traders ruinent quelques millions de foyers. Mais ces traders ne sont pas plus à blâmer que les universitaires qui délivrent de la théorie toute leur existence sans avoir pris soin un jour de vérifier qu’elle était fondée. Le trader a une idée : se faire de l’argent. Il n’est pas habité, il n’a pas cette substance qui lui permettrait d’inhiber ce désir monophasé, cette obsession matérialiste. Il y a en lui une déconnexion entre l’idée et la réalité. Cela ne se produit que dans une société matérialiste où la vie naturelle n’existe plus qu’en marge de l’existence.
Regardez ces scientifiques qui se sont retrouvés le nez dans l’eau quand les découvertes démontent leurs certitudes: savoir vain, hypothétique, et posture peu scientifique. Et que dire des cohortes d’experts, de prévisionnistes et de gourous ? Regardez toujours attentivement à quoi tient la considération pour une personne, et voyez s’il y a un savoir-faire; sans quoi vous pouvez être sûr que ce n’est là que célébrité de pacotille.
Le matérialisme, comme les idéologies, provient d’une déconnexion. La déconnexion entre l’idée et la réalité, qui est à l’origine de la plupart de nos maux. Les universitaires et les enseignants sont souvent de bons exemples de cette déconnexion, le modèle qu’ils proposent est dominant dans notre société depuis des centaines d’années. Nos politiques, nos médias suivent ce modèle.
Mais la sanction du réel est toujours là.
Ce sont les villes qui ont généré ces idéologies depuis des siècles, pour une raison toute simple : elles sont coupées des réalités premières, et de ce fait la théorie domine notre monde. Les idéologies ne sont jamais que des théories érigées en système.
Pour changer
Par conséquent, on comprend bien que si nous voulons changer, il va falloir réincarner l’humain, le mettre face à son environnement et à lui-même, arrêter de le surprotéger, de le laisser se lamenter sans s’éprouver face au réel. Et cela commence par l’éducation. Etre responsable, c’est ne plus subir. Ne plus subir, sortir de la passivité, c’est porter en soi tout ce qui permet d’affronter les défis.
On nous pardonnera cette digression. Nous ne les avons lues nulle part encore, pourtant c’est jusque là qu’il faut remonter, pour comprendre l’origine première de l’impasse éducative contemporaine.
Concrètement, en cours
Quelle conclusion pour nos cours ? Aussi souvent que possible, nous commençons l’heure par la pratique, qui prend l’essentiel de l’heure de cours, et nous exposons ensuite la théorie qui vient illustrer et expliquer la pratique, ce qui a été fait en exercice. C’est alors que les enfants s’émerveillent : ils comprennent ce qu’ils viennent de faire. Ils comprennent ce qu’ils savent faire. Nous pouvons vous assurer que le résultat est extraordinaire. L’enfant est émerveillé et son émulation est multipliée.
En procédant ainsi, vous allez gagner du temps, puisque l’enfant ne comprend pas avant d’avoir pratiqué. Vous zappez l’explication et la délivrez seulement une fois que l’enfant a fait les exercices.
D’accord, vous y allez ?
Et voilà, encore 20 minutes de gagnées !
On verre plus tard que la Voie est pratique.
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