Objectivité et subjectivité: y a-t-il une subjectivité divine ?


Grande question qui se pose pour quiconque recherche un beau grand geste créatif. Tôt ou tard, on se demande quelle est la part de l’être humain, quelle doit être cette part, et en quoi son geste peut-il être dépouillé de sa subjectivité. Et puis, y a-t-il une subjectivité divine ?

Fabrice P.
Maître de chapelle, Chef de chœur et chef d’orchestre, chantre et organiste, Compositeur
Ecouter des extraits de concerts :

  • BACH : Magnificat (audio)

Le samedi 9 février 2019 14:12, Rémy de l’école à la maison a écrit :

Admirable ! Question à mille euros: N’y trouve-t-on point une subjectivité divine ?

Amicalement,

Cécile, Rémy et les parents de l-ecole-a-la-maison.com


On 09/02/2019 22:14, Fabrice wrote:

A première vue, je dirais : non.

Dieu, pas plus qu’objet, n’est sujet. Il est Personne : trois Personnes. Nous sommes sujet, ses sujets et objet de toute sa complaisance.

A mon humble avis, rien de subjectif en Lui, rien d’objectif non plus. Tout est absolu. Tout est vrai.

Il me semble donc qu’en musique vraie, qui est un chemin vers Dieu (je dis bien en musique vraie, car il y en a de la fausse, mais ce serait trop long à développer ici), on n’y trouve aucune subjectivité divine, car l’expression me semble en soi-même un non-sens, voire une hérésie. Mais je ne suis pas théologien.

En musique, on trouve Dieu, sans subjectivité, car il est l’Absolu. En musique, Dieu qui est absolu passe par notre subjectivité pour manifester son absolu de manière moins vive, plus douce à nos sens, de manière voilée, comme Il l’a été dans la Loi et en Jésus, comme Il l’est à présent sous l’apparence des Saintes Espèces. Par la musique, Dieu se voile encore pour se rendre, dirais-je visible, ou du moins audible, palpable, plus proche, plus présent. La musique est un vecteur, un canal, un moyen, qui doit se vouloir le plus transparent possible, le plus souple possible, humble, détaché, libre, pour se laisser traverser par Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. L’artiste n’existe pas, puisque, disait le Maestro Celibidache, la musique n’est rien. Et il avait raison ! Or là encore, il serait trop long ici d’en parler. Et d’ailleurs, nous ne pourrions rien en dire puisque précisément, la musique n’est pas quelque chose, pas même une notion intellectuelle. La musique n’est rien. Elle échappe à tout raisonnement : elle serait presque à ce point, le plus pur reflet de Dieu, qui n’est rien non plus, qui est l’être en personne, en trois Personnes. La musique en somme serait comme une essence, distillée de l’être Lui-même. L’artiste en serait l’alchimiste. L’artiste n’est effectivement qu’un ouvrier, certes spécialisé, un laborantin chargé de distillé Dieu, goutte à goutte. Qu’y a-t-il de subjectif dans un flacon d’huile essentielle de lavande ou d’eucalyptus ?

A première réflexion, je répondrais donc par la négative à votre question à mille euros.

En musique, aucune subjectivité, si n’est celle de l’homme lorsqu’il s’égare, en tout cas certainement pas celle de Dieu qui, à mon avis, n’en a pas. En musique, on ne trouve point de subjectivité divine.

Voilà le problème. La musique est le dernier échelon de la recherche de vérité où tous ou presque achoppent. Car le musique ne se voit pas : c’est là son moindre défaut, ou sa chance ! Les preuves de la vérité musicale ne sont pas visibles, comme des documents historiques ou juridiques, des démonstrations physiques ou que sais-je encore. Néanmoins elle sont tout à fait concrètes et peuvent se mesurer. La musique est une science spacio-temporelle, à quatre dimensions donc, les trois dimensions de l’espace et la quatrième dimension du temps. La musique est authentiquement une science du nombre, l’une des quatre disciplines des arts libéraux. La musique n’est pas un art dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’est à dire subjectif, comme vous semblez le pensez vous aussi, mais à tort, comme tout le monde. En musique aussi, il est tant de faire la lumière et de dire la vérité, de vivre la vérité. Car la musique ne se fait pas, elle se vit. On ne devrait pas dire je fais de la musique ou je joue de la musique mais je laisse faire la musique ou je laisse jouer la musique. Car le premier obstacle à la musique est l’artiste, celui qui croit savoir faire, avec son orgueil qui pense pouvoir contraindre la musique à apparaître sous ses ordres. Non, la musique ne vient pas à la demande. L’artiste, le musicien, ne doit, comme un scientifique, que créer les conditions favorables à ce que la musique se manifeste. La musique se fait d’elle-même lorsque tous les paramètres sont réunis : justesse, vitesse, puissance, en fonction de l’acoustique, de l’instrumentation, des harmonies et des rythmes. Ne fait pas de la musique qui veut. La première qualité du musicien est l’humilité. L’artiste ne peut être qu’un contemplatif, un génie. Car sans l’inspiration divine, qui n’a rien de subjectif, il n’y a pas de musique. Il n’y a que du son, des sons, qui peuvent être justes et harmonieux, mais pas forcément vrais et vécus. La seule subjectivité est donc celle-là : celle du sujet qui reçoit la musique et non pas celle de Dieu de qui elle vient.

Je confirme : pas de subjectivité divine ; et je précise : seulement celle de l’homme qui reçoit et non pas qui croit donner. S’il croit donner, il s’illusionne. Le musicien ne donne pas la musique, il la transmet ; il ne crée pas la musique, il la transforme : de spirituelle, il la rend matérielle. Il la rend accessible physiquement aux auditeurs. Non pas que le musicien ne fasse rien, au contraire, c’est beaucoup de travail, énormément de travail ! Mais il ne fait pas de musique : il permet (ou au pire, il empêche, c’est plus que fréquent), que musique se fasse.

à suivre… peut-être…

Bien à vous.


Bonjour cher Fabrice,

l’objectivité et la subjectivité renvoient à des notions qui se complètent dans un tout absolu. Ainsi, rien ne peut être en-dehors de ce qu’elles désignent. Tout ce qui existe est, objectivement ou subjectivement.

Il en va comme de vrai et faux. Soit une chose est vraie, soit elle est fausse. Une chose peut être aussi relativement vraie et relativement fausse. « J’aime le pudding » est de ces sortes de propositions: elle est objective en ce sens qu’il est vrai que j’aime le pudding mais ce goût ne peut se comprendre qu’entre 0 et 100 et, sans doute, cela excède 50 puisque je dis que je l’aime. Par ailleurs, « aimer le pudding » est une proposition subjective car ce goût n’est pas forcément partagé par tout le monde.

Donc, rien n’est en-dehors de subjectivité et objectivité, de vrai ou faux, de vivant ou mort etc.

Tout se retrouve au sein de ce type de propositions qui englobent tout ce qu’elles peuvent désigner.

Ainsi, il y a un fait divin objectif et cette objectivité est telle, même, qu’elle est immuable, c’est l’éternité, incorruptibilité éternelle.

En même temps, il nous a été donné un certain nombre de signes, aussi bien dans l’écriture qu’en sciences, que Dieu se laisse toucher. La matière que l’on croyait définie est en réalité un ensemble sans frontière nette: si vous posez un morceau de pain sur la table, un microscope électronique vous montrera qu’il n’y a pas de transition claire entre les deux matières.

Cependant, si l’on observe les deux choses au degré où elles nous servent, on les distingue parfaitement: personne n’irait croquer une table.

Dieu se laisse toucher puisqu’Il nous a envoyé ses prophètes, et Son Fils pour finir. S’il y a un « pour finir », c’est que des choses ont changé. Et s’Il l’a fait, c’est qu’il y avait nécessité. Cette nécessité, Lui seul la définit, selon ce qu’Il veut.

Ainsi, nous voyons parfaitement, disons sans l’ombre d’un doute, qu’il y a objectivité du fait divin et subjectivité aussi. Ce qui était vrai au temps de Moïse est sensiblement différent aujourd’hui, quoique tout aussi vrai pour l’essentiel.

Dieu est objectif et subjectif en même temps, et c’est pour nous un mystère complet. Pourquoi, étant incorruptible, et donc non sensible (au sens scientifique), peut-Il se laisser toucher ?

Ainsi vous avez raison de dire qu’il n’y a pas de subjectivité divine et il y en a une en même temps.

Alors à ce stade, il y a un problème puisqu’on ne peut pas dire une chose et son contraire.

Il faut donc admettre que le mot de subjectivité nous renvoie à des définitions différentes. La subjectivité divine n’est pas du tout la nôtre. Pourtant, la subjectivité se définit simplement: c’est ce qui est relatif à une pensée ou une volonté particulière.

Or, la volonté ou la pensée divine ne sont pas sujettes à particularité puisqu’elles sont elles-mêmes La Pensée et la Volonté. La subjectivité divine est en fait parfaitement objective. De là, on peut conclure que la distinction subjectif et objectif n’appartient qu’aux hommes et au monde naturel.

A quoi servirait donc de vouloir aller plus loin si cela ne nous sert pas ? Nous avons vu plus haut que les choses ne peuvent être définies qu’au degré où elles nous servent. Allez dire à un affamé que la table et le pain ne sont pas clairement délimitables, il vous méprisera et vous rejettera comme quelqu’un qui ne voit pas où se trouve l’enjeu du moment: sa faim. Il vous dira sans coeur, non sensible, trop formel, trop scientifique. Pourtant, vous lui aurez dit une vérité objective, scientifique. Cependant, objectivement, votre affirmation ne tombait pas sous le coup de la nécessité, vous avez fait le choix subjectif de sortir une vérité scientifique objective. Elle était inutile à cet homme. Or, parlant à voix haute, vous pouvez subitement découvrir un fait au sujet du pain qui, n’étant pas si formellement différent du bois, pourrait être avantageusement remplacé par un aliment plus nourricier. De là, votre objectivité pourrait conduire à une solution pratique, concrète, qui satisferait l’affamé. Cet exemple potache nous montre que sans cesse, il y a des renvois qui nous conduisent toujours vers l’essentiel: le sens des choses et le sens à donner aux choses.

Sitôt que nous n’en voyons plus l’usage, nous perdons la capacité à définir les choses, les paroles, les actes.

Ils sont donc menteurs, ces scientifiques qui affirment des choses au sujet d’objets qu’ils ne comprennent pas et ils sont bien souvent prix au dépourvu, tant leurs conclusions infirment ce qu’ils ont précédemment établi en termes d’hypothèses.

Voyons ce que vous dites sur la musique.

La musique n’est pas rien. Elle n’est rien si on tente de la définir en termes concrets. Mais elle est bel et bien quelque chose. On a dit souvent qu’elle était un langage de Dieu.

Elle est à la fois objective, parce qu’elle est chiffres (longueurs d’onde, cordes pliées aux temps des Egyptiens qui ont posé les prémisses de la musique), et à la fois subjective parce que l’agencement de ces chiffres n’obéit pas à un calcul. La note que le compositeur pose, le pas en avant, n’est pas prévu: elle entre dans l’ensemble des notes admissibles relativement à son contexte. Il peut poser une note, ou une autre, selon son goût, imprévisible, variable, plus ou moins inspiré, subjectif en un mot.

J’en profite pour vous partager une conférence que j’aime beaucoup, au sujet de la musique atonale, et qui répond à la fois à ce problème de contexte (c’en est même très drôle) et à celui du sens, sens dont nous ne devons jamais perdre la nécessité, sans quoi on sombre dans l’absence de sens, et donc de sacralité, et en aval dans l’autocélébration ou la négation. Il ne faut en fait aimer ni le gaspillage, ni l’impudicité ni la perte de temps. Cela est vrai aussi bien en art qu’en sciences.

On écoutera avec profit cette autre conférence.

Mais j’en reviens à ce « pas en avant » imprévisible et circonscrit à un contexte, une règle: c’est exactement ce que vit le boxeur sur le ring: tant qu’il respecte les règles et l’espace donné, il peut agir comme bon lui semble. Personne ne peut savoir, et pas même lui, ce qu’il va faire exactement. Il est soumis à des règles objectives et dispose d’un combat qu’il conduira comme il voudra, subjectivement.

Le violoniste qui interprète Schubert est dans une situation analogue quoiqu’à première vue, les règles soient plus figées, désignées en particulier par la partition.

Or, l’espace de liberté développé par le violoniste talentueux lui donne plus de marge, beaucoup plus même, que le boxeur qui n’a pourtant aucune partition à jouer. La part de subjectivité est ici à son paroxysme, humainement parlant, alors que la règle est sévère, et aussi à son faîte.

D’où vient qu’il y ait plus d’objectivité et de liberté d’interprétation là où justement il y a plus de règle et d’obligation ?

C’est que d’une part le violon attire des gens plus intelligents et cultivés (c’est un contexte propice), d’autre part que les règles elles-mêmes attirent l’audacieux qui veut s’en affranchir et donc cultive un distinction et cherche une émancipation par le haut, et d’autre part que la règle elle-même produit une excellence par le fait de la contrainte et des pratiques qu’elle impose. Il faut travailler. Transformer. Rendre plus subtil. Meilleur.

Parce que le boxeur est issu d’un milieu plus modeste, parce qu’il a abîmé son cerveau, parce que la règle est grossière et ne fait qu’interdire des coups lamentables, qu’on gagne les points sans avoir à sublimer réellement la situation, qu’elle n’élève donc pas l’esprit ni le corps dans un exercice plus subtil, par des pratiques usuelles du ring, il a dès les premières semaines réduit son champ d’expression. Les subtilités d’interprétation seront donc nécessairement plus vastes pour le violoniste que pour le boxeur. On devient ce qu’on fait et on limite son développement aussi relativement aux pratiques qu’on se donne chaque jour. On ne naît pas tel ou tel, du moins fort peu, on devient ce qu’on vit. Les sollicitations font la structure de l’être.

Bref. On peut donc dire que la subjectivité se déploie davantage dans des horizons plus vastes de liberté préparés par davantage de règles objectives. Il y a une corrélation entre véritable objectivité et véritable subjectivité.

La liberté véritable rejoint cette proposition. La liberté n’est pas un choix entre telle ou telle proposition, ceci n’est que la liberté de choix de tous les systèmes scolaires ou politiques faux. La véritable liberté est un déploiement. Si demain j’apprends le chinois, ma liberté en sera accrue: je serai à même de traiter avec des Chinois.

Le pas en avant, la prise de risque, l’avancée vers l’inconnu sont le moment essentiel où la liberté véritable et fondée peut s’exprimer.

Maintenant, il y a des subjectivités qui sont en réalité anticipables et des objectivités bien subjectives.

En fait, dès lors qu’il y a rabaissement, erreur, ignorance, presque tout devient prévisible. Telle vaniteuse dit « je recourt à l’IVG parce que je fais ce que je veux, c’est mon choix » et exprime non pas une subjectivité mais en réalité une opinion commune, une évidence logique facile à retracer dans un contexte où cette population est formatée de la même manière. Cette opinion est beaucoup plus objective, bien plus normée, que sa propriétaire le croit. On voit des tas de marginaux se ressembler tant qu’on peut dire qu’ils sont un groupe normé et la marginalité est devenue si normale que les gens normaux sont à présent les marginaux et les intouchables.

Les retournements, de haut en bas, de l’un et l’autre font penser aux mouvements que subit la lumière à travers un prisme.

« La musique est un vecteur, un canal, un moyen, qui doit se vouloir le plus transparent possible, le plus souple possible, humble, détaché, libre, pour se laisser traverser par Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. »

Alors, à mon sens, elle n’est pas qu’un vecteur, elle est un langage qui agit en proportion de sa beauté (et donc à un ordonnancement divin). Elle est une chose agissante. Cela fait penser au mot « symbole » en son sens égyptien, c’est-à-dire « concept, agissant » (à ne pas confondre avec « signe »). En ce cas on peut dire que la musique est symbole.

« le plus transparent possible, le plus souple possible, humble, détaché, libre », sans doute, mais aussi le plus achevé, le plus possible aboutissement d’une maîtrise, sans quoi n’importe quel auteur inculte peut y prétendre.

« Elle échappe à tout raisonnement »: pas tout à fait, et la conférence de Ducros qui montre combien les grands auteurs peuvent nous rassurer avec des marches arrivant après des périodes arides ou ténébreuses.

Dans les temps du chant romain, on peut dire même que la partition répondait à des exigences intellectuelles spirituelles très définies.

Dans la haute Antiquité, la musique profane n’est pas permise, seule est admise la musique exacte. On sait déjà quels ravages ou quelle tromperie la musique peut engendrer. Le théâtre qui arriverait ensuite serait d’abord interdit en-dehors des représentations rituelles.

De degré en degré, on aurait bien plus tard le même problème avec l’écrit: il devrait être contingenté au sacré, car marquer dans la durée un propos faux ne pouvait qu’effrayer.

La solution qu’on a aujourd’hui, au terme de toutes les désacralisations, c’est que les supports étant ce qu’ils sont, rien ne dure au-delà de quelques décennies (le budget de la Bibliothèque de Paris est pour l’essentiel consacré aux publications d’après 1850).

« L’artiste en serait l’alchimiste. L’artiste n’est effectivement qu’un ouvrier, certes spécialisé, un laborantin chargé de distiller Dieu, goutte à goutte. Qu’y a-t-il de subjectif dans un flacon d’huile essentielle de lavande ou d’eucalyptus ? « 

Très intéressant. Déjà, s’il y a alchimie, il y a matière. Mais qu’est-ce qu’être ouvrier ? N’est-ce qu’être objectivement, tel l’outil ? Il y a là aussi une part de subjectivité.

Un flacon d’huile essentielle justement peut varier fortement d’un producteur à l’autre. Nous retrouvons notre violoniste dont l’interprétation semble identique à celle des autres à des oreilles peu exercées, mais en réalité complètement différente à l’oreille professionnelle. Là encore, c’est toujours la grande affaire de la définition en rapport avec le rapport que nous avons à la chose, le degré de sens que nous y voyons.

« En musique, aucune subjectivité, si ce n’est celle de l’homme lorsqu’il s’égare, en tout cas certainement pas celle de Dieu qui, à mon avis, n’en a pas. En musique, on ne trouve point de subjectivité divine. « 

Voilà une dernière proposition qui contient une équation à sens contraires.

S’il n’y avait en musique aucune subjectivité, cela reviendrait à dire que toute interprétation devrait ressembler à une autre, débarrassée de son volume de subjectivité. Or, le propre de l’intérêt des diverses interprétations est de répondre justement à des demandes variées. Il y a objectivement des demandes pour ces subjectives interprétations. La musique ne présente d’intérêt que pour la personne qui y trouve intérêt, c’est-à-dire celle dont le sens rencontre un sens, l’harmonie comble une demande.

Il se trouve que dans le règne naturel, il n’y a que des variations et aucune identité au degré où l’être sert. Il n’y a pas 2 flocons de neige semblables. Quel est le sens de cette variation ? A votre avis, est-ce une objectivité ou une subjectivité ?

Vous dites d’ailleurs: « L’artiste, le musicien, ne doit, comme un scientifique, que créer les conditions favorables à ce que la musique se manifeste »

Et qui dit que cette création de conditions est objective ? C’est très largement relatif, et ça le devient davantage en montant, plus c’est élevé, plus c’est subjectif. Et plus cela rejoint une nécessité objective, un absolu.

L’erreur ici est de considérer que l’Absolu est immobilité. L’Absolu est Vie.

« Non, la musique ne vient pas à la demande. » Ah ! mais voilà une affirmation qui demande à être démontrée. Elle vient à la demande en proportion de la maîtrise. Comme l’écriture. Pour ma part, je peux écrire quand je le veux. Mais il a fallu que j’éprouve, que je travaille, que j’apprenne à convoquer ma disposition intérieure. Lorsque je suis disposé, je peux convoquer l’écriture. Et je peux aussi composer de la musique, dans des conditions favorables. Après, qu’est-ce que cela vaut ? Qui peut jauger ? On le peut, pour partie, en fait.

Vous voyez, c’est intéressant parce que d’un côté vous objectivez la musique et d’un autre, vous repoussez la possibilité qu’elle puisse se manifester de manière objective. D’une manière, vous dites que l’objectivation n’appartient qu’à Dieu. Cela voudrait dire qu’Il ne nous donne aucun moyen d’en hériter. Je ne crois pas que ce soit vrai. Il nous donne les moyens, quoique ce ne soit pas donné (au sens de « donné à tout le monde à chaque instant »).

Et il y a toute la part du processus qu’on ne considère pas en disant « cela ne se convoque pas. » Supposons que je fredonne des notes en grand nombre, sans aucune difficulté, n’importe qui peut le faire. Puis que je les couche sur une partition; tout le monde aussi peut le faire. Puis que je choisisse de supprimer toutes celles que je ne veux point garder, pour n’avoir au final qu’un bel ensemble, harmonique. J’aurais ainsi, par une méthode simple, réussi à obtenir de la musique sur convocation. La difficulté que vous évoquez ici est: « Il n’est pas possible d’obtenir spontanément de la musique sublime à chaque instant, à la simple demande. » Certes. Mais le monde créé nous donne les moyens de procéder par d’autres voies, des étapes intermédiaires, qui rendent la chose possible.

On voit donc ici que l’incarnation du processus révèle des voies.

C’est ce que je dis souvent sur le site pour les parents qui disent: « Je ne crois pas y arriver. » Je leur dis: c’est comme ces gens qui disent qu’ils n’arriveront jamais à être des saints. Ils se transposent spontanément dans l’état de sainteté et disent: « c’est impossible ». Ce n’est pas ce qu’on leur demande. On leur demande de commencer très simplement, maintenant, et d’y aller peu à peu, sans se lasser, en prêtant attention à ce qu’on leur dit de sage. C’est tout. Et ça se fait tout seul. Du moins, ils arrivent à un résultat qui les rapproche de la situation considérée a priori comme inatteignable.

Voyez-vous ?

Donc, on peut convoquer la musique, si l’on suit le chemin. Elle n’est convocable, non pas spontanément, comme le ferait un démiurge, mais en empruntant le chemin par une pratique. Dont toute une part est précise, et une autre improvisée, inattendue, aventureuse.

Et cela répond aussi à:  » L’artiste ne peut être qu’un contemplatif, un génie. »

Proposition qui n’est pas certaine. On peut être un artisan qui, à force de travail, peut faire mieux même que l’artiste ou le « génie » dont la seule différence avec lui est qu’il a une faculté à aller plus vite, plus efficacement, avec moins de travail. Le génie n’est en fait non pas un état mais le résultat de sollicitations: il a eu l’habitude de pratiquer et a donc une facilité. Il y a, il est vrai, une petite part de don divin, si vous le voulez, mais l’essentiel réside dans les sollicitations vécues: travail, enfance, expériences, rencontres, incidents etc. Entre deux bébés, l’un génial et l’autre normalement intelligent, il n’y a presque aucune différence, la différence va se jouer sur ce qu’ils vont faire et vivre à l’avenir.

Du reste, il y a moins de différence entre le génie et l’artisan qu’entre le paresseux et l’artisan. Le génie est souvent sinon toujours un artisan qui a eu une intuition, celle-ci n’ayant pu apparaître qu’à force de « travail », d’exploration dans le domaine considéré.

Quant à l’artiste, c’est un artisan qui se dit distinct, d’une part, et d’autre part qui ne répète pas son travail. Pour le reste, aucune différence.

J’ai été artisan et artiste: deux conditions strictement identiques à bien des égards, à ceci près qu’artiste est un statut (illusion sociétale, imposture) et artisan est un suicide anonyme.

« Il n’y a que du son, des sons, qui peuvent être justes et harmonieux, mais pas forcément vrais et vécus. »

Mais, la musique militaire la plus brutale, la plus froide, la moins vécue, comment se fait-il qu’elle inspire des sentiments à l’homme qui est sur le champ de bataille et qui se souvient des moments de camaraderie, avant le feu, au son de cette musique ? Par quelle alchimie cette musique plate et morne devient-elle un langage formidable dans le cœur de celui qui l’entend sous des conditions particulières?

Et enfin: « celle du sujet qui reçoit la musique et non pas celle de Dieu de qui elle vient. »

Il manque à cette proposition cet élément fatal: Dieu se trouve dans le cœur de l’Homme qui vit par l’Esprit. L’Homme peut très bien, sous inspiration, produire des merveilles, et c’est bien ce qui se passe. On n’a jamais vu que Dieu ait écrit directement, Il en passe toujours par notre intercession. Il y a donc bien dans le prisme humain une alchimie qui se fait, non point absolument Dieu, non point seulement homme.

Merci pour l’opportunité de cet échange !

Amicalement,

Rémy et les parents de l-ecole-a-la-maison.com

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subjectivité divine
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