Voici le cas d’un enfant qui est à la fois dépendant, émotif et perfectionniste. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le sens du perfectionnisme et la dépendance.
Il a une très grande sensibilité et se laisse facilement perturber par ses émotions, des émotions qui vont l’empêcher de se concentrer et d’avancer. La maman stresse parce qu’elle voit le temps qui passe et tous les exercices qui restent à faire pour respecter les délais.
Tout d’abord, la sensibilité va peu à peu se lisser, elle va se déplacer et être plus maîtrisée avec l’âge, donc on la laisse s’épanouir et maturer.
Pour ce qui est du respect du délai, on mettra l’enfant en situation de challenge où le délai fait partie de l’exercice autant que la note. On peut faire une notation spéciale 50/50. Challenge: notion d’exploit sportif, vous lui en parlez comme un entraîneur, votre ton est crucial. Evitez le ton « on pourrait peut-être si tu veux » et employez plutôt « le défi que nous allons affronter maintenant, il est possible que tu n’en sois pas capable. Tu es trop petit, c’est vrai. Mais je compte sur ta force et ta rapidité. Ce sera dur pour nous deux. Car voilà comment ça va se passer… »
En fait, ce ne sera pas si dur que ça et l’enfant réussira suffisamment pour que vous en soyez contente, ce qui va le motiver puissamment.
Une maman avait un problème énorme avec son enfant, qui refusait de travailler. Elle a introduit le challenge à notre demande.
Bonjour Rémy,Challenge réussi ce matin !F. progresse en flèche, ses capacités se réveillent !J’ai bien préparé F. plusieurs jours avant ce jour.Hier soir j’ai écris le déroulement du challenge, dictée, analyse grammaticale, calcul mental, addition, soustraction, problème.La matinée était assurée pour la réussite, en deux heures le travail fut parfaitement terminé.F. a dû écrire, réécrire, recommencer pour finalement réussir chaque épreuve.Rémy, vous êtes un super coach, je suis hyper méga contente. En moi sommeille aussi des capacités, quelle réjouissance !
Le perfectionniste
Ce garçon par ailleurs aime que sa maman reste toujours à côté de lui pendant qu’il fait les exercices. Il demande à sa maman de valider chacune de ses réponses avant d’écrire. C’est épuisant pour la maman qui se sent accaparée. Elle n’est d’ailleurs pas sûre que ce soit un bien pour son fils.
C’est assez rare. On a affaire à un perfectionniste, quelqu’un qui pourrait aller très loin dans son domaine. Donc, ça confirme qu’on doit associer un respect du temps. Mais sans rien casser. Car on note aussi une inquiétude, une peur de faire une erreur. Or, l’erreur, nous l’avons vu, est bénéfique. Il ne faut pas que l’enfant en ait peur.
Il faudra donc faire attention quand on présentera le challenge. Au début, la note sur le délai pourrait être sur 20 et le reste sur 70, le respect du délai ne serait qu’une prime. Ensuite, on augmentera. Il apprendra ainsi à rendre un travail dans les temps, ce qui est le problème bien connu des chercheurs (beaucoup se sont effondrés dans la vie parce qu’ils en étaient incapables). C’est au parent de le lui apprendre.
Expliquez-lui sous forme d’histoires: un jour, un roi attendait un message lui indiquant où trouver un trésor. L’homme qui était chargé d’écrire le message et de le faire parvenir par un messager, fut impressionné et décida de recommencer son message car il n’était pas content de la manière dont le message était rédigé. Il recommença cent fois et enfin, il le remit au messager qui partit. Hélas, quand le messager parvint au roi, le roi en colère lui dit: « Va dire à celui qui a écrit ce message que le trésor de notre peuple a été volé par des pillards qui sont arrivés sur place avant nous. C’est trop tard ! »
C’est une idée, vous en avez mille: le prince qui attendait la lettre de sa belle et qui mourut de désespoir parce qu’elle la recommençait trop souvent. Vous voyez ? C’est le genre d’histoire pour lui, jusqu’à ce qu’il s’imprègne de cette nécessité.
Enfant perfection ? Dites des bêtises
Ensuite, soyez rassurée: il va vite en avoir assez de vous avoir sur le dos. Au début, vous validez, puisqu’il en a besoin. Mais là aussi, vous introduisez du jeu, du challenge. « L’opération, aujourd’hui, consiste à faire tous tes exercices pendant que moi, je suis le vieux sage muet. Je n’ai pas le droit de parler et toi, tu peux regarder les livres quand tu veux pour chercher la solution… » Ce genre de choses. « Le jeu consiste aujourd’hui pour moi à te dire des bêtises, j’ai le droit de te dire que c’est bon ou non même si tu te trompes. »
Plus tard, vous lui expliquerez: « Écoute, j’ai des choses importantes à faire, j’ai besoin de te laisser faire ton travail comme un homme, seul, sans mon aide. Je reviens dans 20mn. Est-ce que ça ira ou tu as besoin que je te tienne par la main ? » Normalement, il répondra « ça ira ». Vous direz juste: « J’en étais sûre, je sais que tu en es capable. »
Isabelle, dans un commentaire ci-dessous, donne un truc excellent :
« Pour mon petit gars qui a beaucoup de mal avec l’écriture et qui veut faire refaire et re-refaire (souvent jusqu’à trouer la page, à force de gommer), j’ai inventé un slogan qui le fait bien rire et permet de dédramatiser son « échec » à avoir une écriture parfaite : « Laissez vivre les lettres moches ! » A décliner de mille façons « Arrête de torturer ce pauvre t. », ou « C’est un l nain, et alors ? »… ça permet aussi d’introduire l’acceptation de la différence, et le rire permet souvent de « défocaliser » le problème. »
Et vous ?
Bien souvent, l’enfant est protectionniste parce que l’un des deux parents l’est. Attention à ne pas trop exiger. L’enfant n’est pas un adulte. C’est un enfant. Cela semble simple. Mais voici un texte qui donne à réfléchir.
C’est un texte écrit en 1954 par un journaliste américain du nom de W. Livingstone Larned. Il s’intitule « Les pères oublient ». Il était censé être un éditorial inspiré de faits réels, mais devant sa beauté et l’authenticité des sentiments qui s’y dégagent, il a vite fait le tour du monde, traduit en plusieurs langues.
« Ecoute-moi, mon fils. Tandis que je te parle, tu dors la joue dans ta menotte et tes boucles blondes collées sur ton front moite. Je me suis glissé seul dans ta chambre. Tout à l’heure, tandis que je lisais mon journal dans le bureau, j’ai été envahi par une vague de remords. Et, me sentant coupable, je suis venu à ton chevet. Et voilà à quoi je pensais, mon fils : je me suis fâché contre toi aujourd’hui.
Ce matin, tandis que tu te préparais pour l’école, je t’ai grondé parce que tu te contentais de passer la serviette humide sur le bout de ton nez ; je t’ai réprimandé parce que tes chaussures n’étaient pas cirées ; j’ai crié quand tu as jeté tes jouets par terre. Pendant le petit déjeuner, je t’ai encore rappelé à l’ordre : tu renversais le lait ; tu avalais les bouchées sans mastiquer ; mettais les coudes sur la table ; étalais trop de beurre sur ton pain ; Et quand, au moment de partir, tu t’es retourné en agitant la main et tu m’as dit : « Au revoir, papa ! », je t’ai répondu, en fronçant les sourcils: « Tiens-toi droit ! ». Le soir, même chanson.
En revenant de mon travail, je t’ai guetté sur la route. Tu jouais aux billes, à genoux dans la poussière ; tu avais déchiré ton pantalon, je t’ai humilié en face de tes camarades, en te faisant marcher devant moi jusqu’à la maison… Les pantalons coûtent cher ; si tu devais les payer, tu serais sans doute plus soigneux : Tu te rends compte, fils ? De la part d’un père ! Te souviens-tu ensuite ? Tu t’es glissé timidement, l’air malheureux, dans mon bureau, pendant que je travaillais. J’ai levé les yeux et je t’ai demandé avec impatience : qu’est ce que tu veux ? Tu n’as rien répondu, mais, dans un élan irrésistible, tu as couru vers moi et tu t’es jeté à mon cou, en me serrant avec cette tendresse touchante que Dieu a fait fleurir en ton cœur et que ma froideur même ne pouvait flétrir…
Et puis, tu t’es enfui, et j’ai entendu tes petits pieds courant dans l’escalier. Et bien ! Mon fils, c’est alors que le livre m’a glissé des mains et qu’une terrible crainte m’a saisi. Voilà ce qu’avait fait de moi la manie des critiques et des reproches : un père grondeur ! Je te punissais de n’être qu’un enfant. Ce n’est pas que je manquais de tendresse, mais j’attendais trop de ta jeunesse. Je te mesurais à l’aune de mes propres années. Et pourtant, il y a tant d’amour et de générosité dans ton âme. Ton petit cœur est vaste comme l’aurore qui monte derrière les collines. Je n’en veux pour témoignage que ton élan spontané pour venir me souhaiter le bonsoir.
Plus rien d’autre ne compte maintenant, mon fils. Je suis venu à ton chevet, dans l’obscurité, et je me suis agenouillé là, plein de honte. C’est une piètre réparation; je sais que tu ne comprendrais pas toutes ces choses si tu pouvais les entendre. Mais, demain, tu verras, je serai un vrai papa; je deviendrai ton ami; je rirai quand tu riras, je pleurerai quand tu pleureras. Et, si l’envie de te gronder me reprend, je me mordrai la langue, je ne cesserai de me répéter, comme une litanie : ce n’est qu’un garçon… J’ai eu tort. Je t’ai traité comme un homme. Maintenant que je te contemple dans ton petit lit, las et abandonné, je vois bien que tu n’es qu’un enfant. Hier encore, tu étais dans les bras de ta mère, la tête sur son épaule… J’ai trop exigé de toi… Beaucoup trop… » (Les Pères Oublient, W. Livingstone Larned)