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Contrainte | Aide pour l'enfant ? Apprendre librement avec leçon imposée

Contrainte : « Comment apprendre librement si l’apprentissage est imposé ? »


La contrainte pose question. Cette maman perspicace nous demande: comment faire si l’apprentissage est imposé ? faut-il accepter la contrainte ?

« Bonjour, je me pose deux questions : – comment apprendre à penser librement si cet apprentissage est imposé? – la qualité de l’apprentissage n’est-elle pas moins bonne quand celui-ci est imposé, même s’il est imposé avec enthousiasme et avec des méthodes originales ?

Apprentissage imposé et contrainte sont-ils efficaces ?

Questions passionnantes qui se rejoignent.

La contrainte ne prive pas de liberté

Discerner l’âge

Il faut commencer par dire que la contrainte ne va pas à un tout petit enfant. Elle sera introduite progressivement.

Comme on l’observe, le « unschooling » qui se veut sans aucune contrainte fonctionne très bien avec les tout-petits, mais… plus du tout arrivé à l’adolescence. Le jeune homme ne peut découvrir tout seul la formule du calcul de la sphère et la jeune fille ne sera pas spécialement attirée par l’histoire de Claude l’empereur. Si ce sont des choses que vous estimez importantes, ils ne les verront jamais par eux-mêmes. Et cela peut devenir extrêmement compliqué car il y a des tas de choses que l’enfant n’ira pas chercher tout seul, il peut très bien ne voir que ce qu’il aime dans son jeune âge, et qu’il n’aimera plus dans quelques temps.

Est-ce qu’on peut léser un enfant des choses qu’il pourrait aimer plus tard ? Nous répondons: non. Le jeu doit rester suffisamment ouvert pour que l’enfant puisse choisir la voie qu’il voudra.

On répond généralement que l’enfant découvrira ce qu’il voudra. Nous répondons par ailleurs que l’enfant ne peut aimer ce dont il n’a aucune conscience. Il faut bien lui amener des éléments. C’est donc de l’informel et non du unschooling.

La question du travail rendu dans un délai

En outre, il faudra qu’il soit à même de faire les choses dans un délai, et[s2If !is_user_logged_in()] (…) la suite est réservée aux membres accompagnés, pour activer votre accès membre, passez par ici. Déjà membre accompagné ? Connectez-vous dans le menu du site (en cas de souci, voir la FAQ).  [/s2If] [s2If is_user_logged_in()] donc nous devrons l’amener progressivement à savoir affronter cette « contrainte ».

Nous allons voir que:

  1. Ce n’est pas la contrainte qui prive de liberté
  2. mais la manière dont elle est vécue, pourvu bien sûr qu’elle demeure suffisamment saine.

1/ Ce n’est pas la contrainte qui prive de liberté et au contraire, la contrainte crée davantage d’activité cérébrale et émotionnelle.

Par nécessité, l’être humain doit trouver des sorties, des solutions. Mettez quelqu’un dans une impasse, sans moyen de reculer (barrière de feu par exemple), il cherchera le moyen de s’échapper en scrutant le moindre centimètre carré.

Dans le même endroit, sans contrainte, il n’aurait rien remarqué. Or, apprendre, c’est acquérir des savoirs et donc être ensuite en mesure de faire plus de choses.

La contrainte, ainsi, crée une liberté. Ce principe s’est illustré dans les pays de l’Est à l’époque communiste: on y trouvait une foison de réflexion sociale dissidente, en théâtre, littérature, sculpture, dessin, danse etc. Au contraire, à l’Ouest, dans la permissivité, le niveau de réflexion s’effondre au niveau presque zéro. On peut comparer la littérature russe et française dans les années 80, c’est édifiant. D’un côté, des Soljenitsyne, de l’autre, des… dont on a oublié le nom.

De même, l’entraîneur emploie une contrainte qui tire le sportif (l’enfant par exemple) vers le haut et lui donne la liberté de ses nouvelles performances.

S’entraîner à faire 10 km de vélo par jour vous donne ensuite la liberté de faire 100km d’un seul coup.

On est plus libre en sachant plus et en étant davantage capable. Si l’enfant apprend l’anglais, il a la nouvelle liberté de l’anglais.

Au contraire, l’absence de contrainte diminue la liberté.

Comprendre ça est très important car cela rompt avec la liberté de choix qui, elle, diminue le développement.

La tromperie de la fausse liberté: la liberté de choix

La liberté de choix, c’est: « tu choisis entre ceci et cela ». Entre ma société capitaliste ou ma société socialiste. Tu choisis entre le dernier DVD de Johnnay Hallidy ou celui de Jessica Bidochon. Ah bon ? Et si j’ai envie d’autre chose ?

LIBERTE DE CHOIX
La liberté de choix, celle que donne la société, est comme celle qu’on a dans une brocante… On trouve des tas de choses mais pas forcément l’idéal

La liberté de choix est en fait une fausse liberté: liberté de choisir entre 20 chaînes de télévision débiles, 5 partis politiques irresponsables, 40 stars plus faillies les unes que les autres… Dans une brocante, on choisit entre quelques chaises trouées, de vieux lustres, éventuellement un bibelot intéressant.

La liberté authentique est un horizon où l’on se déploie et non un choix entre quelques plus ou moins bonnes solutions.

Nos démocraties ne sont donc pas des sociétés de liberté. Le choix, c’est l’illusion. Ce qui intéresse l’individu, c’est l’illimité de ses propres possibilités une fois qu’elles seront développées.

 liberté de choix la fausse liberté

Cela signifie que l’enfant, ne connaissant pas ses propres possibles, ne peut pas guider sa propre éducation. Il peut guider le progrès vers la prochaine étape, mais il n’a pas la perspective générale. Sa maman verra en lui une capacité à marcher beaucoup par exemple et pensera à l’emmener en montagne mais lui-même n’en est encore qu’à espérer aller jusqu’au bout du parc seul.

Éblouissants sans mauvaises contraintes jusqu’à 5 ans

Vous voyez quel principe nous exposons là ? L’idée actuelle que l’enfant peut se guider seul intégralement donne ce que nous voyons fréquemment: des enfants extrêmement limités à 20 ans. A 5 ans, ils sont éblouissants parce qu’ils n’ont pas été écrasés par de mauvaises contraintes, c’est vrai, mais ensuite ils ne peuvent pas concevoir… ce qu’ils ne connaissent pas. L’un de mes enfants me disait il y a un an: « Je ne sais pas ce que je veux faire plus tard, je n’aime rien. » Il ne connaissait pas le millième des métiers, comment pouvait-il aimer quoi que ce fût ?

Nous lui disions: « Eh bien ! que dirais-tu d’être sauveteur en mer au Canada, ou pilote d’hélicoptère au-dessus des mines d’or africaines, ou archéologue sur les contreforts de l’Himalaya ? » Aussitôt, dans l’esprit de l’enfant, c’est une explosion d’impressions, de curiosité: son esprit s’engouffre dans des mondes inconnus. Il réalise qu’il ne connaissait pas des panoramas variés. C’est ce que le coaching appelle « les propositions en menu chinois »: une liste de choses auxquelles la personne ne pensait pas avant. Cette liste favorise la réflexion, elle n’est que proposition.

Nécessaire contrainte

2/ La manière dont la contrainte est vécue: cela inclut le fait qu’une contrainte soit exclusive et prive d’horizon. Une contrainte qui fait mal à l’enfant, sans rien d’autre à côté, limite l’enfant. C’est ce que fait l’école; l’esprit n’a pas d’échappatoire, il n’y a pas d’horizon de secours.

Et l’autre catégorie, ce sont les contraintes qui vont à l’encontre de sa nature, et qui sont néfastes. Mais si une contrainte, qui éventuellement est douloureuse, est accompagnée d’un challenge par exemple (« Encore un effort, nous arrivons au col dans 300 mètres et de là on verra la mer et même l’Afrique ! »), elle grandit l’enfant; on fera ici appel au discernement: si l’enfant est à bout, c’est une contrainte contre-nature, il faut que l’enfant ait la capacité de réaliser cette contrainte. Quant aux contraintes contre-nature, qui consistent par exemple à demander à un enfant de faire un exercice alors qu’il en est incapable, elle s’assimile à de la torture douce.

On peut donc dire que la contrainte n’est pas le problème en soi dès lors qu’elle n’est pas contre-nature, et qu’elle peut être un formidable moteur s’il y a en contre-partie un objectif.

 

La contrainte nécessaire
Illustration: pour cette photo, la contrainte imposée était de faire faire une pyramide. L’idée vient des enfants eux-mêmes, ils s’imposent ce pari.

 

Le  résultat d’une contrainte

Le résultat est qu’au bout de 3 minutes, ils savent comment ne plus bouger, être stable, et accepter une relative douleur.

Alors certes, Emmi Pikler professe fort justement la liberté motrice; il n’y a là aucun problème, cela s’adresse au bébé. Cela va devenir différent quand il s’agira de développement intellectuel et psychique. Non pas que le principe soit abandonné. Mais il va être complémenté avec ce que nous aimons appeler le challenge. L’enfant qui n’est pas sollicité tourne en rond. Comme la plante sans lumière.

Janus Korczack fait partie des grandes lumières qui nous aident. Il employait des contraintes: tout est relatif. Une proposition elle-même contraint l’esprit à s’y intéresser. De plus, la contrainte donne à l’enfant cette liberté extraordinaire de l’auto-sollicitation, le quant-à-soi: il se défie de l’adulte et c’est aussi très important. L’adulte ne doit pas être pour l’enfant le référent absolu et ses erreurs sont très utiles ! C’est ce que nous expliquons. Ne sombrons pas dans la déprime parce que nous avons été injustes avec l’enfant, que nous avons dérapé. Certes, ce n’est pas génial, on va essayer de le corriger. Mais il y a là un profit immense pour l’enfant ! Il se dira: « Je ne suis pas comme eux, je suis différent. » Et c’est un trésor, c’est un vivier vital.

L’adulte a peur de se servir de la bonne contrainte

Vous remarquerez que presque tous les échecs éducatifs basés sur l’affection viennent du fait que l’adulte croit qu’il ne doit pas se tromper. Il se veut excellent en éducation et bute infailliblement sur le rejet naturel de l’enfant… qui a besoin, pour exister, de proposer un modèle différent. C’est ainsi que presque tous les parents pleins de bons sentiments et d’amour enveloppant se retrouvent échoués, avec des enfants qui vont exactement dans le sens opposé à ce qu’ils professent.

La nature n’est pas peace and love: elle a besoin de survie et d’affirmation. Survivre est plus important que d’être juste, bon ou généreux. La nature sauvera l’enfant de toute façon, et peut-être sur une mauvaise pente, s’il a l’impression qu’il est trop nul par rapport à ses parents. Voilà pourquoi il vaut bien mieux que les adultes se trompent et cela arrive de toute façon, et parfois volontairement et solidairement, pour que l’enfant puisse développer son sens de l’injustice et de la justice, son autonomie intellectuelle, morale et spirituelle.

Le père de Jean-Sébastien Bach lui interdisait de toucher au clavecin. Il se réjouissait d’entendre son fils aller pianoter discrètement la nuit. L’exemple de la « perfection » parentale et le désir d’amour parfait des parents est un désastre s’il n’y a pas d’une part une humilité puissante et d’autre part des propositions vers l’extérieur, qui orientent l’enfant vers d’autres modèles. L’enfant n’a pas besoin que de relations aimables.

Pour la contrainte donc, nous devons voir les choses non pas en blanc ou noir

Pour la contrainte donc, nous devons voir les choses non pas en blanc ou noir (« contrainte ou pas contrainte ») mais en degré entre 100 et zéro. Une contrainte saine, à 10% avec une bonne motivation et du plaisir est excellente. Une contrainte à 90% est mauvaise. Korczak employait toujours des contraintes acceptables, c’est-à-dire en-dessous d’un seuil, parce qu’il avait besoin, dans son orphelinat, que des choses soient faites.

L’étape suivante, c’est: quel degré de contrainte pour quelle vitesse de progrès ? Une contrainte vaincue permet une contrainte suivante plus élevée. Pas forcément tout de suite, pas de manière régulière car l’être humain n’est pas une machine. Mais un jeune qu’on a emmené grimper un 1300 mètres pourra aux vacances suivantes faire un 1500m.

De même, un enfant qui réussit 10 fois de suite un exercice de maths pourra aborder un exercice plus difficile. Comme le philosophe qu’on compare à l’éléphant qui n’avance que d’une patte à la fois. De même, quand on grimpe en montagne, on apprend qu’on garde toujours trois points d’appui. Qu’on ne demande pas à un enfant de faire quelque chose qu’il ne peut pas faire. Et qu’il ne veut éventuellement pas faire parce que sa maman est trop parfaite et semble inatteignable, ou parce qu’il est fatigué parce qu’il s’est couché trop tard.

Tout cela, nous en parlons en détail dans l’accompagnement. Le degré et la progressivité sont fondamentaux pour permettre des challenges nouveaux et un progrès. Mais vous le verrez, c’est un accompagnement qui amène énormément de choses, qu’on ingère progressivement, par la pratique. La pratique est le secret central.

« la qualité de l’apprentissage n’est-elle pas moins bonne quand celui-ci est imposé, même s’il est imposé avec enthousiasme et avec des méthodes originales? « 

Si cette proposition était vraie, et qu’on laissait l’enfant choisir intégralement ses matières et son rythme, vous auriez ce qu’on connaît bien et qui est de plus en plus courant: un jeune en-deçà de ses possibilités, n’ayant pas connaissance de ses limites et n’étant pas capable de faire face à des challenges imposés.

Vous savez, on pense réinventer les choses mais tout ce que nous disons est connu depuis des milliers d’années. Ce n’est peut-être pas popularisé depuis toujours mais on le sait depuis toujours. On a une idée fausse de l’éducation de jadis, de l’éducation médiévale ou antique, on croit qu’on se trompait et qu’aujourd’hui, on a de meilleures pistes. C’est précisément la preuve d’une chute de l’éducation. Certes, ce jeune paraît meilleur que ceux de l’école, mais c’est parce que l’école est dans le non-enseignement et la contrainte bête, avec des jeunes éteints.

On réinvente aussi l’éducation parce qu’il y a un individualisme qui se développe.

Le pacte social est détruit. Il faut vouloir « le meilleur » pour son enfant mais pas pour tous les enfants, on pense au sien. On élève son enfant selon ses propres convictions. Couper des autres, de la société, on a perdu le lien aux autres. On pense que l’enfant doit grandir sans contrainte: cela est un aveu que le pacte social, c’est-à-dire l’amour d’autrui, est inexistant.

Il y a là une blessure parce qu’on a été blessé dans sa vie. Un rejet des politiques ou du fisc, et pour finir l’ébauche d’une rébellion contre la société. On n’est plus dans la société rurale où chacun était indispensable à l’autre, où le chaudronnier était utile au charron et le boulanger au rémouleur. On vit d’allocs qui dispensent de se rendre utile à son voisin. C’est catastrophique. Aujourd’hui, on peut élever son enfant et vivre sans lien aux autres. Mais c’est grave ! C’est très néfaste pour l’individu.

On ne manipule pas son enfant dans une perspective politique.

C’est très courant chez les IEF: l’enfant participe d’une lutte sociale, lutte qui conduit à s’isoler avec d’autres personnes du même genre. C’est-à-dire à se communautariser. L’amour d’autrui, qu’on appelle le devoir, a sa dimension fondamentale aussi, dans l’accomplissement de l’enfant. L’enfant n’est pas en soi et par soi le but exclusif, son identité est à la fois une intégrité et une communion avec l’autre. Avec tous les autres, même les inconnus, même les plus lointains. Il a une responsabilité vis-à-vis de son prochain. L’idée qu’on élève un enfant sans contrainte jusqu’à 18 ans est totalement impossible en Inde, en Chine ou au Japon parce qu’il y a un lien social. Or, le lien social implique des contraintes.

Par conséquent, nous ne disons pas que l’éducation n’est que contraint. Mais la contrainte est un art à doser savamment.  Il y a un pourcentage de proposition et un pourcentage de contrainte. Il y a aussi un pourcentage de propositions de la part de l’enfant, et il y a un pourcentage de rien. L’enfant a aussi besoin qu’on ne lui demande rien et qu’il ne fasse rien, il a besoin de solitude et de contemplation.

Voilà ce que votre beau message nous inspire, il pose des questions et fait des suggestions très riches.

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