Une maman nous dit:
Je ne comprends pas: je suis vos conseils et je donne à mon enfant beaucoup de réussite. A chaque fois qu’il fait un travail, même s’il n’est pas parfait, je lui dit qu’il a bien réussi. Et ça ne marche pas du tout. Il me dit « tu me le dis à chaque fois ! »
Le besoin de réussite authentique
La réussite, c’est une victoire sur une difficulté, un adversaire. C’est exceptionnel ! Vous avez fait la fête ? Vous avez ouvert une bouteille (de jus de fruit), dansé ensemble ?
Non. Vous avez dit: « Bravo, je suis fier de toi car tu as très bien réussi… » et vous lui avez fait un bisou sur la tête.
Peut-être même moins.
Nous ne vous demandons pas de fêter une réussite à tout bout de champ. Soyez économe. Mais quand il faut la fêter, il faut la fêter !
Les deux sont vrais !
Il faut qu’on voie que vous êtes super content(e) de cette réussite et donc que ça a été un exploit, et donc qu’il y ait eu difficulté, effort ! Si c’est gagné facilement, ce n’est pas de la réussite, c’est de l’infantilisation. Et l’enfant déteste ça. Il veut de l’héroïsme.
La fête si ç’a été dur. Un encouragement simple si ç’a été assez simple.
Vous direz: « mon fils déteste l’effort ou n’y arrive pas ». Mais l’effort peut avoir plusieurs visages. Si l’on vous propose de faire une randonnée au Kenya avec vos meilleurs amis et d’autres, de nouveaux, parmi lesquels des écrivains géniaux, ça vous donnera envie, et vous serez prêt à faire ce qu’il faut. Si on vous parle d’un trek en banlieue lilloise, seul, pas sûr que vous soyez conquis. Pour l’enfant, c’est pareil.
De l’émulation implique un entraîneur. Ce sera vous, l’entraîneur
L’effort, pour un enfant, est sympa s’il y a du challenge, de l’émulation, un entraîneur sympa, dur, exigeant et drôle, cool dans le fond mais super pro. L’enfant admire celui qui parle d’objectifs clairs. L’enfant déteste les phrases comme « fais deux ou trois exercices, on verra ensuite », il méprise « fais ce que tu peux » ou « essaye, tu verras bien ». Soyez l’entraîneur ! « Je te donne 4 exercices à faire en 13 minutes. Top, c’est parti ! »
Ou encore:
« Nous avons une situation que je vais te décrire ainsi: tu as 7 minutes. Durant ces 7 minutes, je vais sortir de cette pièce par cette porte (oui, c’est plus pratique que par la fenêtre) et toi, pendant ce temps-là, tu dois trouver (attention, écoute bien) les exercices 15, 18 et 23 de la page 45, je répète, 15, 18 et 23 de la page 45. Si tu ne l’as pas noté, tu auras perdu la mission. Ces exercices doivent tous être faits impeccablement comme si tu allais les présenter à (… son personnage préféré, Jules César, le pape, spiderman… qui vous voulez). As-tu des questions ? Non ? Je t’ai formé pour ça, je sais que tu peux y arriver absolument seul. Mais peut-être que tu vas te vautrer lamentablement et pleurnicher sur ton sort. Tu es prêt ? Tu as bu un verre d’eau ? Bon. Très bien, top chrono ! (avec le geste) »
Autre formule, au cas où vous auriez à motiver l’enfant à l’avance :
« Demain, on va en baver, ça va être très dur. Tu n’y arriveras sûrement pas mais je crois que tu peux essayer. On commencera à 8 heures tapantes, que tu aies mangé ou pas. C’est à toi de te réveiller à l’heure, tu règles ton réveil. Tu n’auras pas le droit de sortir, strictement interdit. Tu ne pourras pas te lever de ta chaise. Cela durera une heure, on fera 5 exercices très durs. Tu auras juste un verre d’eau et rien d’autre, comme un prisonnier dans une prison qui devrait faire des exercices pour être libéré. »
Voilà un exemple de défi.
Quand l’enfant manque de réussite
N’accordez pas la réussite à chaque fois. S’il s’est « planté », qu’il le sache. Ne masquez pas l’échec, sauf si l’enfant est dans une situation de fragilité (divorce récent, ou vous l’avez récupéré à la D.A.S.S ou il sort tout juste de l’école). Soyez capable de dire: « Ce n’est pas ça, les exercices sont faux à deux endroits. Alors voilà, je te donne 3 autres minutes et je ressors par cette porte, et toi tu les corriges. Je pense que tu n’en es pas capable car tu es encore mon gros bébé chéri et que tu n’y arriveras pas, tu es trop petit. Mais si tu y arrives, je serais assez surprise et ça vaudra la peine d’en parler à papa. Et on verra ce qu’on peut faire samedi, vers le parc de…. tu vois ce que je veux dire ? Chut ! au boulot et pas d’histoire. Top chrono ! »
Et bien sûr, il faut que les exercices soient à la fois suffisamment durs et suffisamment faisables. Trop faciles, ils servent au tout début à rendre une confiance ou à chaque fois que l’enfant sombre dans le manque de confiance. Plus difficiles, quand il est un peu trop sûr de lui. Mettez des indices si nécessaire. Rapprochez-vous de son niveau, de façon à ne pas le mettre en face d’un niveau supposé de classe d’âge. On s’en fiche, du niveau des autres, en tous cas au début, car on va rechercher l’enfant comme s’il s’agissait d’une brebis perdue: que les autres soient à l’étable ne nous importe pas, ce qui nous préoccupe, c’est de savoir où il est, lui.
Fréquence
Là aussi, discernez ! Ne faites pas l’entraîneur tous les jours, ça lasse. La réussite, c’est par exemple une fois par semaine. Vous pourriez faire comme un DS (devoir surveillé de l’école) et mettre en scène cette épreuve, avec récompense à la clé si vous voulez.
Quelle récompense ?
Modeste, toujours, ne faites pas de folie, sinon ça diminue la valeur des choses. Évitez la surenchère, car l’enfant prend le pli plus vite que vous. Rappelez-vous: ce que vous donnez à l’enfant, il l’exagère, l’extrapole. Si vous dites que vous n’aimez pas les fonctionnaires, il va les haïr. Soyez donc toujours mesuré. Avec les récompenses ou les manifestations des réussites, soyez dans le juste. Pour les petits, on donne une image, par exemple. Dans le cœur d’un enfant, c’est un trésor. Pour un plus grand, un tour en vélo avec papa. Pour plus grands encore, un ciné, ce que vous jugerez bien. « Chi va piano va sano », et « chi va sano, va piano. »