Voici deux lettres que nous recevons aujourd’hui et qui nous donnent envie de vous les partager, avec l’accord de leurs auteurs. Nous ne savons pas comment intituler ce texte, et donc nous cherchons l’expression qui revient le plus. C’est « même si ». Intéressant. Sous cette locution, se cachent des désirs contrariés.
« C’est formidable même si des problèmes se posent »
Prêtez bien attention à ce que disent ces deux mamans. La première a en fait toutes les cartes entre les mains et pose très bien les difficultés, elle est donc proche de son but, mais celui-ci n’est pas encore complètement défini et quelques conseils s’imposent. A la seconde, on dit des choses qui sont inexactes et qui normalement devraient vous faire tiquer.
Bonsoir,
Je m’appelle A. J’habite en région parisienne.
Je vous écris car je me pose la question de reprendre ou non l’école à la maison pour la rentrée 2014.
J’ai 3 enfants et un bébé en cours de « maturation » de bientôt 6 mois !
J’ai une formation de professeur des écoles dans le privé sous contrat mais n’ai pas eu le temps d’enseigner beaucoup. J’ai le sentiment d’avoir acquis plus d’expérience avec les 3 années d’ief que j’ai pratiquées (ms/gs , puis gs / cp, sans cours par correspondance, cp/ ce1 avec les cours ker lann).
Mon mari est pépiniériste et travaille beaucoup (il se repose le dimanche) mais nous avons le bonheur de le voir pour tous les repas. Nous habitons dans une maison sur l’exploitation donc dans un cadre naturel assez privilégié pour la région parisienne.
Nous avons fait le choix de l’école à la maison pour s’assurer de bonnes méthodes pédagogiques (méthode syllabique de lecture, de la manipulation à la schématisation et à l’abstraction pour les maths), pour profiter de voir grandir nos enfants, pour découvrir la vie et le monde ensemble.
Ces 3 années nous ont comblés même si à bien des reprises, j’ai voulu tout lâcher.
J’aurai beaucoup à écrire sur les difficultés que j’ai rencontrées mais la raison majeure pour laquelle j’ai arrêté l’ief et que nous avons inscrits nos deux aînés dans une école hors contrat catholique est que nous souhaitions agrandir notre famille […]. J’ai aussi décidé en juillet dernier après un test avec la maîtresse actuelle de ma fille L., qu’elle recommencerait un CP, la lecture n’étant pas suffisamment acquise, cette décision ayant beaucoup remis en cause mes capacités d’enseignement ( mais pourtant je vois bien maintenant que c’était une bonne décision et que la maturité de Laure et sa façon de comprendre le demandaient)
Au regard de la sieste quotidienne que j’ai besoin de faire et de la pause nerveuse que me permet cette année de rescolarisation, je sais qu’il m’était nécessaire de faire ce choix.
Cela me permet d’observer comment se passe l’école, ce que cela apporte à chacun en bien et en moins bien.
Mais je mesure aussi l’absurdité du rythme des enfants (lever bien matinal, école toute la journée, longs devoirs le soir et le mercredi matin et le we..), le manque de temps que nous avons pour lire ensemble des livres pour découvrir le monde.. Le prix des scolarités…
Et me vient à l’esprit de reprendre l’ief : mon fils aîné est plus que partant, mais ma fille aime les deux mais préfère l’école car elle voit des petites amies tous les jours. Nous avons parmi nos amis plus d’enfants garçons que filles et Laure recevait en effet moins d’amies que PAUL l’année dernière. Quant à Clément, il est content d’être à la maison (il a fait 1 an de ps le matin à l’école publique l’année dernière) et que maman l’enseigne, même si en réalité je ne passe pas autant de temps que je voudrais avec lui car j’ai l’impression d’avoir moins de temps que quand je faisais l’IEF (aussi étonnant que cela puisse paraître) et que je voudrais rattraper les retards de rangement dans la maison avant la naissance du 4ème.
La question est : serai je capable d’assumer 3 niveaux et de profiter de mon bébé, sachant que même si nous reprenions une femme de ménage 3 heures par semaine, c’est moi qui suis entièrement responsable du reste de l’entretien de la maison ? Serai capable de trouver un juste équilibre pour tout le monde, de ne pas me mettre trop la pression (je suis perfectionniste) et de savoir rester zen et détendue même si l’aîné écrit pour la x ième fois « aprais « au lieu de « après », que la seconde trépigne parce que les cris du troisième qui n’arrivent pas à former correctement ses 8 et les pleurs du quatrième qui a faim la dérangent dans sa lecture !?!?
J’aime mes enfants, j’aime enseigner, j’aime apprendre avec eux (je découvre avec grande joie l’histoire de France), je souhaite que mes enfants puissent s’oxygéner longtemps dehors chaque jour, qu’ils m’aident dans la vie quotidienne (ramassage de petit bois, allumage du feu, ménage, …), qu’ils aient vraiment le temps de jouer avec leurs nombreux jeux… mais qu’est-il le mieux pour eux et pour moi ?
Si je reprenais l’ief, je ne me vois pas faire le collège ce qui voudrait dire que j’ai deux ans encore pour profiter de cette formule assez exceptionnelle même si très prenante pour la maman (dans mon cas).
Voilà, c’est plus que deux mots, c’est vraiment gentil à vous si vous avez pris le temps de me lire et que vous prenez le temps de me répondre.
Sur ce, je vais me coucher car comme je l’ai lu sur votre site que j’ai découvert à la sieste aujourd’hui au lieu de vraiment dormir, mieux vaut se coucher tôt … demain lever 6 h15 !
Je vous souhaite une bonne nuit,
Bien cordialement, A
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Bonjour A.,
voilà un exposé complet qui contient tous les ingrédients et qui sous-entend les recettes. D’ailleurs, nous avons presque envie de vous renvoyer votre message pour que vous le relisiez, car vous y verriez exactement ce que vous pouvez faire. Il y a d’abord une excellente expression de votre situation en un français parfait. C’est important à signaler car cela parle de vos ressources. Ensuite, il y a des désirs contraires.
Mais en attendant, nous notons cette phrase: « même si en réalité je ne passe pas autant de temps que je voudrais avec lui car j’ai l’impression d’avoir moins de temps que quand je faisais l’IEF (aussi étonnant que cela puisse paraître). »
Mais oui ! l’école laisse moins de temps pour se voir, s’entendre, s’enseigner. Et vous le remarquez.
Alors, serez-vous capable ? Cela dépendra de votre capacité à renoncer à certaines choses. Vous êtes perfectionniste, il faudra l’être un peu moins. Passer l’aspirateur une fois par semaine au lieu de deux. Vous dire qu’au XVIIIème siècle, on vivait sur la terre battue. Ou organiser les tours de ménage avec les enfants.
Bref: vous délester et passer au rythme martial de la famille nombreuse, du capitaine de bord qui ne peut pas s’occuper de tout faire. Déléguer.
Tout ça signifie que vous changez d’autorité. Votre mari va vous y aider, il va prendre toute la famille à part, dimanche midi, à table, et expliquer que les choses vont changer et comment. Première question: qu’allez-vous changer dans votre organisation ? Etudiez votre journée, et disséquez. Par ailleurs, plus vous vous occuperez des enfants, moins ils seront dans vos jambes. Cela concerne spécialement les petits derniers. Prenez les tout le temps dans les bras, au bout d’un moment ils vont avoir envie d’aller voir ailleurs. Dites-vous qu’avec le double d’enfant vos journées ne seraient pas plus courtes. Donc, vous y arriveriez. Comment feriez-vous ?
Vous vous énervez facilement, vous allez corriger avec l’âge, rassurez-vous. Si un enfant écrit « aprais », dites-lui merci, ça veut dire qu’il n’a pas assez pratiqué et que donc, vous ne lui avez pas assez fait pratiquer (et vous pourrez lui expliquer que ça concerne beaucoup de mots de la même fonction, ici adverbes). Les erreurs des enfants sont bien faites: elles nous disent là où nous avons été faibles. Vous verrez dans notre accompagnement que la pratique est la première clé, et que la théorie est à reléguer en fin de cours ou en marge, que d’abord on pratique. Et c’est vrai aussi pour votre organisation: si vous êtes débordée, c’est que vous ne maîtrisez pas, et si vous ne maîtrisez pas, c’est que vous n’avez pas votre pratique en main. Ce n’est pas du tout une question de capacité, tout ce qui nous met en difficulté nous met en face d’un manque de pratique. Par ailleurs, faites appel au discernement. Tout n’est pas conciliable. Qu’est-ce qui l’est ? Prenez une feuille, mettez à plat ce que vous voulez et ce qui s’y oppose, en deux colonnes. Il faut que vous soyez seule, au silence, avec un thé, tranquille, vous faites une mise à plat de votre plan. Nous insistons sur le mot plan, vous allez cadrer les possibles et les impossibles, concilier les choses, mais selon le mode « vision », planificateur », « critique » (vous ne confrontez pas votre vision à la critique, vous confrontez la vision à la planification et la planification à la critique). Ensuite, le repos: se coucher à 10h00, prendre un livre (regardez l’article Papa et maman sont en forme ainsi que Votre santé aide votre enfant). Et enfin, éloignement du domicile conjugal une fois tous les 15 jours à + de 100km. Indispensable pour faire le point. Là, en principe vous aurez entamé un nouveau chemin.
A bientôt
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Bonjour Rémy,
Je me suis inscrite.
(…) Mon ainé Jean de 7 ans présente quelques troubles autistiques de type asperger caractérisé aussi par un manque de mémoire de travail et des troubles de l’attention.
Nous étions au courant de ces troubles depuis son entrée en maternelle. Jean a eu la chance de s’épanouir au sein d’une petite école hors contrat montessori parmi des éducateurs formidables, durant sa maternelle.
A notre arrivée en Belgique nous savions que Jean était très en retard au niveau scolaire. J’avais moi même bénéficié d’une formation Jean-qui-rit en 2012 pour épauler Jean dans les apprentissages que nous savions difficiles pour lui.
Jean est entré en CP dans une petite classe belge avec la méthode gestuelle jean qui rit pour l’apprentissage de la lecture et singapour pour les maths accompagné par une maitresse rigoureuse et souple. C’était idéal !
Mais Jean était malheureux à l’école malgré la grande qualité de l’enseignement proposé dans cette petite structure.
Nous avons passé aussi bcp de tests pour connaître la pathologie de jean et rassurer les enseignants (!). Il en est ressorti entre autre que Jean était très anxieux.
A la fin de l’année scolaire malgré un bon décollage, nous avons pris la décision de faire redoubler le CP de Jean.
J’ai décidé aussi de retirer Jean en partie de l’école contre l’avis de l’ensemble des thérapeutes, et meme celui de mon mari ! Puisque l’anxiété était un poids important dans la vie de Jean, je retirais la cause première de son anxiété.
Jean va désormais à l’école une heure trente le mardi et jeudi et le vendredi toute la journée. Nous avons eu l’accord de l’école pour ce rythme.
Cela me permettait de me lancer dans l’école à la maison en ayant un filet de sécurité.
Le premier bilan de Jean à la fin de cette première période scolaire, (chaque enfant passe des évaluations en Belgique), a été très positif. Celui de l’orthophoniste aussi au point qu’elle m’a conseillée de continuer l’école à la maison et m’a donné des adresses de maman qui font l’école à la maison !
Nous suivons le cours sainte anne en français, et pour les mathématiques je travaille avec la librairie des écoles. Je m’aide aussi du matériel montessori.
Je voulais vous remercier car il y a une phrase qui a trébuché en moi et que j’ai bcp ressassé. Vous parliez des « enfants » dys et que ces pathologies pouvaient être chassées à force de travail et en appliquant une bonne méthode. Cela m’a bcp aidé dans ma prise de décision.
J’attends votre aide par vos échanges sur la méthodologie et l’organisation, meme si je commence à me roder à un rythme.
Je vous remercie déjà pour votre œuvre et sachez dès à présent notre reconnaissance pour avoir contribué à nous engager dans cette décision qui est pour l’instant bénéfique pour notre enfant.
Bien à vous, G.
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Bonjour G.,
votre Jean, anxieux ? Hm. Voilà un discours de « professionnels » de l’enfance. Un enfant n’est pas anxieux sans raison, on ne naît pas anxieux.
Pathologies etc., vous savez peut-être ce que nous en pensons.
Voilà qui donne envie de faire un article spécialement pour ça.
Vous avez pris la bonne première décision et nous voulons vous dire: bravo. Envers et malgré tout, apparemment.
Suivez bien le travail pas à pas, et soyez sûre que les jours à venir vous réservent de bonnes surprises.
Et merci enfin de vos aimables remarques.
A très vite.
Rémy et Cécile de l’Ecole à la maison