Faire l'école à la maison pourrait bousculer votre vie pépère. C'est risqué.
1. A force de faire l'école à la maison, votre enfant pourrait devenir...
bizarre !
Votre enfant faisant ses premiers pas dans le monde de la confiance en lui, il pourrait bien vous apporter quelque gêne. Il va relever la tête, vous regarder en face. Si vous sortez du lit ou êtes démaquillée, ça va être gênant.
Il pourrait remarquer ce qui se passe autour de lui.
Il pourrait s'apercevoir que son petit monde a besoin d'être dépoussiéré.
Il pourrait avoir envie d'autre chose, et Dieu sait que l'enfant peut être extravagant.
Avec même un sourire aux lèvres. Un sourire qu'il pourrait arborer plus souvent qu'à son tour. Sorte de chose embarrassante qui fait remarquer dans les magasins et peut vous taper sur les nerfs, vous que le quotidien a déshabitué de la joie de vivre.
Au rayon de supermarché, il pourrait poser des questions sur l'origine des produit. Avec un vendeur, il pourrait contester que le café soit vraiment écoparticipatif parce qu'il vient d'un coupage du Pérou et du Vénézuela. A la caisse, il réussirait mieux ses calculs mentaux que vous. Dorénavant plus longtemps le nez dans de vrais livres en papier, il vous parlerait spontanément de la thermodynamique et de la mécanique des fluides, auxquelles vous ne comprenez rien, et de la Tasmanie dont vous pensiez qu'elle avait été inventée dans un dessin animé.
Plus dangereux, redevenant un enfant équilibré, il risque de sortir du schéma politiquement correct. Attention ! il ne va pas coller aux diktats de la nouvelle morale officielle !
2. Vous allez vous faire des ennemis
D'abord, il y a tous ceux qui ont une opinion tranchée sur l'école à la maison et qui ne savent rien à ce sujet: ceux-là vont considérer que votre enfant est en passe de devenir un clochard désocialisé. Ils sont formels: loin de l'école, un enfant ne peut que dépérir. Peu importe que des tas de célébrités aient prouvé le contraire: c'est une conviction à laquelle ils vont s’accrocher mordicus.
Votre belle-mère, ancienne institutrice, va vous bouffer tout cru au prochain repas de Noël. Vos voisins vont jaser. Bien sûr, ça va vite se tasser et chacun retournera à ses ennuis quotidiens en vous oubliant, mais en attendant, vous aurez vécu quelques discussions désagréables et vous n'aurez fait probablement aucun émule dans votre patelin.
Sur la place du village, constatant que votre enfant est en forme, certains qui ont des enfants dépressifs et atones normaux se demanderont s'il n'est pas "TDAH" ou sous l'influence d'un anabolisant. Ce plein d'énergie, c'est suspect. On va vous parler de psychotropes et vous suggérer la Ritaline, manière de vous faire passer le message: "Il va falloir le calmer, il est trop différent".
3. Vous allez enfin piger comment vous vous faites rouler par ERDF
Depuis les cours de maths du petit, vous commencez à décoller en calcul mental. Et à cause de ce truc mental semi-automatique, vous vous apercevez que la facture d'électricité ne peut pas être la vôtre, c'est sans doute celle du voisin, qui organise des ravs parties 8 fois par an, avec ses spots, ses projos, sa musique amplifiée à fendre le goudron de la rue, et sa piscine chauffante où ses amis décomplexés se baignent tout nus. Il se branche certainement sur votre compteur, à l'occasion. En tout, vous avez dû vous faire piquer au moins 70.000€ et impossible de le prouver !
4. Votre femme/mari commence à jalouser les relations que vous avez avec votre enfant
Et ce n'est pas forcément un cadeau. Certes, dans 90% du temps, il/elle est content(e), vu que c'est toujours ça qu'il n'a pas à "gérer". Mais il arrive qu'il ait un moment d'arrêt, vous jetant un coup d’œil silencieux, lorsqu'il constate votre complicité, et que l'enfant vous regarde dans le blanc des yeux avec connivence. Il va falloir qu'il/elle s'y mette aussi, sinon il/elle va se faire oublier.
5. Votre culture décolle et c'est gênant
Vos copines qui sont fans de Biba et de Facebook commencent sérieusement à vous pomper l'air. Leurs causettes, c'est plus ce que c'était. Sur Facebook, leurs sentences de philosophie à 3 francs le kilo, encadrées de jolis cœurs roses, vous paraissent aussi fadasses que la coloration d'une starlette. Un jour, votre fille qui lisait Guerre et Paix dans son coin vous a entendu en parler; elle s'est interrompue une seconde pour balancer, par-dessus le livre : "Maman, tes copines, c"est des nunuches, tu vaux mille fois mieux."
C'est depuis ce jour-là que vous avez réalisé. Vos copines ne sont pas des lumières. Quand vous les revoyez, vous trouvez même pénible de les entendre s'esclaffer pour un rien à chaque fin de phrase. Ces Bisounours niaiseuses vous filent le coltard, maintenant.
Ce que vous supportez le moins, c'est qu'elles sont incapables d'avoir une conversation avec autre chose que les repas, les fringues ou la météo. Les idées convenues télescopent votre nouveau standing. Vous êtes devenu un brin plus exigeante.
Depuis que vous faites l'école à la maison, vous avez changé de milieu. Il faut bien se rendre à l'évidence: vous n'êtes plus la même. Femme-actuelle n'est plus sur votre table de chevet (vous l'avez déménagé dans les toilettes) et vous ne gobez plus tout ce que raconte la télé, laquelle prend la poussière. Vous avez changé de vie et de niveau. La foule commence à vous ennuyer. Vous vous demandez si vous avez envie d'aller encore au camping, cet été. A ce train-là, on va vous considérer comme "de la haute".
La première fois que vous l'avez senti, c'était à Emmaüs, quand vous avez repéré un livre au sujet de Garibaldi dont vous n'aviez jamais entendu parler mais qu'un auteur évoque dans un cours d'Histoire. Vous l'avez acheté, ce qui ne vous serait jamais arrivé il y a encore un an. Evidemment, vous évitez de parler de ce grand héros italien aux copines, elles penseraient que c'est un joueur de foot...
5. Vous agacerez vos amis sur les réseaux sociaux
Vos bons résultats vont faire des jaloux. Pendant que votre enfant expliquera dans une vidéo qu'il aura montée lui-même comment la lune tourne autour de la Terre qui tourne autour du soleil, leurs enfants à eux s'enfonceront dans la lassitude morne de leur cour de récré qui ressemble plus à la cour d'un bagne qu'au sommet du Kilimandjaro. Sortis des Pokemons, eux, ils plafonnent. Tandis que le vôtre, c'est un vrai Hemingway, il a toujours un truc à raconter, il est toujours à chercher.
Vous publiez des nouvelles de votre bambin et vous sentez que ça ne réagit pas trop. Vos "amis" sont jaloux. Votre vieille tante vous "like" à peu près seule; à l’association de parents d'élèves, personne. Tiens, d'ailleurs, qu'est-ce qu'ils sont devenus ? C'est bizarre, ils n'ont pas trop donné de leurs nouvelles depuis qu'ils vous savent faire l'école à la maison.
Gare à vos vannes sur l'école publique actuelle, mettez-les en veilleuse. Eux, ils sont encore dedans et se sentent comme des taulards, ce qui ne les attendrit pas.
6. L'administration ne vous fait plus aucun effet
Depuis que vous avez expliqué deux ou trois lois à l'institutrice qui refusait de vous voir faire l'école à la maison, vous vous sentez pousser des ailes. Finalement, ils sont beaucoup moins impressionnants que vous le pensiez. Ce sont des êtres humains, après tout. Mais dans le fond, vous êtes déçu, ils ne vous font plus peur et ça pourrait presque vous manquer. Pas facile d'être plus fort... Maintenant, ça vous chatouille de leur balancer quatre vérités bien senties. Après tout, c'est vous qui les payez, c'est vous, leur patron. Surtout la collaboratrice de l'inspecteur académique; celle-là, la prochaine fois, vous vous imaginez bien lui faire bouffer son I-phone. Cela dit, quand l'inspecteur d'académie vous a confié que c'est la première fois depuis 10 ans qu'un enfant lui dit bonjour poliment, ça vous a réchauffé le cœur.
7. Vous pourriez être amené(e) à modifier votre vision du monde
Pas facile de savoir quand les autres ne savent pas... Pas facile de changer de logiciel mental. Pas facile d'apprendre à se taire quand on sait. Comment accepter que tant de mamans continuent à mettre leur enfant malheureux à l'école publique croulante et vermoulue alors que vous savez, vous, que la solution peut être ailleurs.
Frustrant de laisser votre cousine s'accrocher à l'école, ses enfants en souffrance, en échec, parce que, son mari étant sous contrôle judiciaire, elle ne peut pas faire autrement et que même en retournant la chose dans tous les sens, vous ne pouvez rien pour elle.
Pas facile de laisser parler les gens de leurs problèmes de santé, d'alimentation, de rythmes de vie, d'éducation, de politique, alors que tout tient en une attitude: au final, on a essentiellement la vie qu'on se fait. Une chose que vous avez comprise lorsque vous avez décidé de faire l'école à la maison, envers et contre tout, contre l'avis du Dasen, du CMP, de la MDPH, de la MDPJ, de l'enseignante et de la directrice de l'école, contre l'avis de votre belle-mère et celui de votre sœur et sans doute aussi mais vous ne leur avez pas demandé, du président de la République et du ministère...
8. Vous allez devenir drogué
Quand vous aurez fait quelques semaines d'école à la maison, vous serez accro. Vous serez hanté par une sorte de bonheur surréaliste, et pourtant vous n'aurez rien pris d'illicite. Vous aurez des états de manque. Il vous faudra votre dose de Boscher et votre tableau noir, chaque semaine. Quand vous sortirez, le soir, vous vous apercevrez que vous avez des morceaux de craie dans les poches. Vous rêverez du prochain cours, parfois même tout éveillé ; ce qui entre nous s'appelle des hallucinations. Si vous avez plusieurs enfants, vous ne supporterez pas l'idée que les plus jeunes puissent ne pas faire eux aussi l'école à la maison. Vous serez dans tous vos états si vous devez envisager de remettre votre aîné à l'école. Vous regretterez de ne pas avoir commencé plus tôt. Vous ne vous calmerez qu'en buvant du jus de carotte.
Enfin, il vous faudra du cran pour affronter vos remords quand vous vous direz: "Dire que pendant 3 mois, j'ai mis mon enfant à l'école !" Parfois, dans la rue, vous aurez l'impression que les gens ont des reproches à vous faire.
En prime: n°8 bis. Votre habitat va vous paraître de plus en plus étriqué
A force de voir quelles possibilités vous ouvre cette nouvelle vie, vous allez en avoir très vite ras-le-bol de votre appartement. Clamart, c'est bien gentil, mais vous seriez d'accord pour ne plus y revenir. Vous aussi, comme Véronique et Stéphane Bigot, vous aimeriez faire le tour du monde à cheval. Comme Nicolas Bouvier, vous seriez partant pour aller vers l'Hindoustan, même en Fiat Topolino. Vous songez à déménager ou changer de coin. Vous finissez par rêver que votre conjoint se fasse licencier. Le souci, c'est comment tout plaquer et trouver de nouveaux revenus ?
Qui sait ? votre fille ou votre fiston va certainement s'envoler, avec ses études brillantes. C'est peut-être elle/lui qui, à force de voyager, vous dégotera ce nouvel horizon dont vous avez toujours rêvé...
Offert dans votre bagage cabine: n°8 ter. Votre bambin ne fera pas carrière dans la fonction publique
Trop bon, votre enfant sera black-listé avant même de postuler dans un ministère. Là où l'on ne recrute que des perles. Avec les résultats brillants que l'on sait.
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